L’Europe de l’Ouest, proxénète des femmes de l’Est
PROSTITUTION SANS FRONTIÈRES
Le démantèlement à Strasbourg, puis à Orléans et à Blois, entre le 18 et le 25 septembre, de deux filières de prostitution de jeunes femmes originaires de Bulgarie a témoigné une nouvelle fois de l’importance prise par ces réseaux. En 2000, les services de police en avaient démantelé vingt-trois, dont quatorze émanaient des nations de l’ancien bloc de l’Est. Face aux organisations criminelles et aux milliers de femmes majoritairement poussées à se prostituer par la misère, les réponses de l’Europe occidentale apparaissent très mal adaptées.
Irina est moldave. A dix-huit ans, elle quitte sa ville natale de Chisinau (Moldavie), attirée par la promesse d’un emploi de serveuse à Milan. Elle prend le train, escortée par un homme qui lui fait traverser la Moldavie et la Roumanie. Son passeport confisqué, elle franchit plusieurs frontières clandestinement ou avec la complicité des douaniers. Elle se retrouve... en Albanie. Là commence l’enfer. Vendue à plusieurs reprises, elle tombe entre les mains d’un proxénète albanais qui la « conditionne » en lui faisant subir des viols à répétition. Refusant de racoler dans la rue, elle est battue et revendue à un autre souteneur albanais qui, à son tour, la brutalise et la viole. Elle est ensuite emmenée en Italie à bord d’un scafo, canot à fond plat échappant aux radars. Son calvaire s’achève quand la police italienne l’interpelle et la transfère dans un centre d’accueil.
Irina est une de ces « Natacha », comme on appelle les prostituées venues de l’Est. Son destin tragique ressemble à celui de ces milliers de femmes d’Europe orientale, un des principaux bassins de recrutement de la prostitution, qui rivalise avec l’Asie, les Caraïbes et l’Afrique. D’après M. Bjorn Clarberg, d’Interpol, « le business de l’exploitation sexuelle entre les deux parties de l’Europe a explosé ». A l’heure de la mondialisation, la traite des femmes se globalise. Comme il y a un grand banditisme, il existe désormais un grand proxénétisme qui génère des profits considérables
L’effondrement de l’empire soviétique et la décomposition de la Yougoslavie ont accéléré un phénomène dont la cause est connue : la misère. Généralement enlevées, abusées ou séduites, ces femmes sont parfois volontaires. Elles espèrent gagner suffisamment d’argent pour rentrer au pays et faire vivre leur famille. Les trois quarts ne se sont jamais prostituées auparavant.
Sur le continent européen s’est dessinée une répartition spatiale du trafic avec les pays « fournisseurs » (Russie, Ukraine ou Roumanie), les pays de transit (essentiellement les Etats de l’ex-Yougoslavie et l’Albanie), et les pays destinataires (Italie, Allemagne, France...). Le trafic ne cesse de s’étendre. La forte rentabilité de la prostitution explique pour partie cette explosion. Mais surtout, comme le souligne M. Gerard Stoudmann, de l’Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe (OSCE), c’est « un business beaucoup moins dangereux que le trafic de drogue, car il n’existe encore aucun cadre juridique international pour le combattre ».
Apparaissant comme l’un des principaux centres, Moscou approvisionne les marchés allemand (1), polonais et asiatique. Selon une responsable de la mairie, Mme Eleonora Loutchnikova, 330 « sociétés » russes pratiqueraient ce genre de « commerce » et, chaque année, 50 000 femmes sont expédiées à l’étranger. En Pologne, la prostitution étrangère se concentre sur les grands axes menant à l’Allemagne. C’est aussi le cas en République tchèque, où se retrouvent Ukrainiennes et Russes. En Bulgarie, elles sont environ 10 000 à être tombées dans les filets des proxénètes, selon l’association Animus. Leur parcours s’avère parfois fatal, comme pour ces deux jeunes, mortes de froid, en janvier 2000, en tentant de franchir la frontière avec la Grèce, où elles devaient travailler comme entraîneuses.
Pour les Roumaines et les Moldaves, le périple commence souvent à Timisoara, où des rabatteurs locaux les ont attirées. Il se poursuit soit à l’Arizona Market de Brcko, le plus grand centre de contrebande de Bosnie-Herzégovine, soit à Novi-Sad, en Serbie. Un véritable « marché aux esclaves » s’y est développé. Des trafiquants roumains y mettent aux enchères des Ukrainiennes, des Moldaves, des Roumaines, des Bulgares, des Russes. Déshabillées, exhibées, elles sont achetées environ 1 000 marks (511,3 euros) par des souteneurs serbes qui les violent et les molestent avant de les convoyer vers l’Albanie. Telle Nicoleta, étudiante moldave de dix-sept ans, battue et violée par un proxénète serbe avant d’être vendue aux enchères dans un entrepôt désaffecté de Belgrade. Aux mains d’un autre Serbe, elle passe deux mois dans une maison close de Podgorica, au Monténégro ; elle est ensuite revendue 2 500 dollars (2 709 euros) à un Albanais encore plus brutal. A Sarajevo, le ministre suédois de la justice a même rencontré une jeune femme qui avait été vendue à dix-huit reprises.
Même sinistre scénario au Kosovo où, pour reprendre l’expression de M. Pasquale Lupoli, responsable sur place de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), les maisons closes ont « poussé comme des champignons » avec l’afflux des 50 000 soldats de la KFOR, des employés de la Mission des Nations unies au Kosovo (MNUK) et des personnels des organisations non gouvernementales. Originaires surtout de Moldavie, d’Ukraine, de Roumanie et de Bulgarie, les femmes sont vendues aux enchères entre 1 000 et 2 500 dollars (de 1 084 à 2 709 euros) aux proxénètes kosovars. « Ces femmes ont été réduites en esclavage », a déclaré le colonel des carabiniers Vincenzo Coppola après en avoir sauvé 23 à Pristina et à Prizren (2). L’an dernier, seules 460 femmes ont été libérées des 350 maisons closes de Bosnie, alors qu’elles seraient près de 10 000 à y entrer clandestinement.
Selon M. Stoudmann, l’ex-Yougoslavie constitue la plaque tournante du crime organisé, « infiltré dans les structures de l’Etat jusqu’à des niveaux élevés ». D’après Mme Julia Harston, représentante de l’ONU à Sarajevo, la Bosnie est tout à la fois « une destination, un pays de passage et un point de départ du trafic de jeunes femmes ». Ce dernier est « remarquablement organisé, sans distinction de nationalité, d’ethnie ou de religion », constate le chef de la police internationale (IPTF), M. Vincent Coeurderoy. En Macédoine, le village de Velezde, qui ne compte pas moins de sept bordels, fait figure de centre régional de la prostitution aux mains de la mafia albanaise (3). Ici, un proxénète comme le redoutable Bojko Dilaler gagne plus de 20 000 euros par mois.
Dans le cadre de l’espace Schengen
En effet, l’Albanie occupe une place déterminante dans ce trafic. Pourtant habitué à voir des atrocités, le chef de l’Office central de répression de la traite des êtres humains (OCRTEH), M. Christian Amiard, a eu du mal à réaliser qu’« il y existe de véritables camps de soumission où les filles sont violées, dressées ». Si les femmes résistent, les proxénètes albanais n’hésitent pas à les torturer, en les brûlant, les électrocutant, les amputant ou les défenestrant.
Membre de la Commission parlementaire italienne antimafia, Mme Tana de Zulueta estime que « les Albanais ont établi un véritable cartel sur la prostitution », nouant des relations d’affaires avec les autres organisations criminelles et diversifiant leurs activités. Tel ce puissant gang opérant dans les Abruzzes et démantelé par les carabiniers : il obligeait des jeunes femmes d’Europe orientale à se prostituer et s’était lancé dans le commerce de la drogue. Selon le ministère des affaires sociales, l’Italie compte environ 50 000 prostituées, dont la moitié sont étrangères. Le chiffre d’affaires qui en découle s’élève, d’après les estimations minimales fournies par la police, à 93 millions d’euros par mois.
En France, la prostitution est-européenne a été révélée au public en novembre 1999 avec le meurtre de Ginka, une Bulgare de dix-neuf ans, retrouvée sur un boulevard parisien frappée de vingt-trois coups de couteau. Les prostituées originaires de cette région, arrivées massivement depuis deux ou trois ans, représentent, selon M. Amiard, plus de la moitié des étrangères, désormais aussi nombreuses que les Françaises. A Nice, ce sont surtout des Croates, des Russes et des Lettones ; à Strasbourg, des Tchèques et des Bulgares ; à Toulouse, des Albanaises. A Nice, la police a démantelé un réseau bulgare qui récoltait au moins 200 000 francs par mois (30 490 euros), rapatriés par mandats postaux et réinvestis dans l’immobilier. A Paris, la moitié des 7 000 prostituées seraient étrangères - dont 300 Albanaises. Responsable du Bus des femmes, Mme Claude Boucher précise qu’une prostituée de l’Est effectue entre 15 et 30 passes par jour, car elle est censée rapporter de 3 000 à 6 000 francs (entre 457 et 914 euros) à son souteneur si elle ne veut pas être battue. Au total, la prostitution, qui concerne 15 000 femmes, engendre un chiffre d’affaires annuel évalué à 3 milliards d’euros.
Les réseaux albanais se fixent souvent en Belgique, notamment à Bruxelles, où ils livrent bataille aux Kurdes et aux Turcs pour s’emparer des maisons d’abattage, et à Anvers, où l’on recense 450 prostituées de l’Est. Ils y gèrent les jeunes prostituées albanaises, kosovares ou moldaves travaillant à Paris et dans les autres grandes villes françaises. Les filières exploitant des Ukrainiennes, des Tchèques, des Slovaques et des Bulgares passent principalement par l’Allemagne, souteneurs et prostituées logeant dans un hôtel de Kehl, où la police allemande reste impuissante puisqu’ils ne commettent pas de délit. Les femmes franchissent chaque jour le Pont de l’Europe pour venir « tapiner » à Strasbourg, où elles sont deux fois plus nombreuses qu’il y a cinq ans.
Pour tenter d’enrayer cette recrudescence, la capitale alsacienne a pris en août 2000 un arrêté interdisant le stationnement des véhicules sur certains quais. A Londres, les autorités ont amélioré l’éclairage public et réaménagé la circulation des quartiers chauds de Tooting et de King’s Cross pour décourager les clients. Mais ces mesures ne font que déplacer le problème. Elles soulignent plutôt l’embarras des pays occidentaux confrontés à un phénomène nouveau dont l’ampleur les submerge. D’autant qu’il prospère dans le cadre de l’espace Schengen et qu’il profite des disparités entre les législations nationales et du cloisonnement des procédures judiciaires.
L’Europe occidentale est en effet mal préparée et elle demeure profondément divisée entre réglementaristes et abolitionnistes (voir encadré page 9). Les uns considèrent la prostitution comme un mal nécessaire qu’il convient de contrôler pour des raisons sociales, sanitaires et morales. Les autres la jugent incompatible avec la dignité de la personne humaine inscrite dans la Convention internationale contre la prostitution de 1949. Divergeant sur le reste, les pays européens ne se retrouvent que sur un point : la prostitution individuelle ne constitue pas une infraction.
Bien que la prostitution reflète les inégalités fondamentales entre hommes et femmes, entre riches et pauvres, entre Nord et Sud, entre Ouest et Est, les Français semblent partager l’indifférence des pouvoirs publics. Comme l’a dénoncé Martine Costes, de l’organisation Metanoya, ils s’émeuvent moins de la marchandisation sexuelle du corps que du prélèvement d’organes à but lucratif ou de la location du ventre des mères porteuses. D’après un sondage de la Sofres de mai 2000, 52 % considèrent la prostitution comme une fatalité immuable. Le prétendu « plus vieux métier du monde » servirait de « rempart contre le viol ». Cet argument vise à dissimuler une tragique réalité : 80 % des prostituées auraient subi des abus sexuels dans leur enfance. La prostitution n’est pas une activité professionnelle ; elle est une exploitation de la femme par l’homme.
Au lieu de s’enfermer dans le débat passionné entre abolitionnisme et réglementarisme, il vaudrait mieux s’occuper de ces victimes que sont les prostituées, les sauver de ce « suicide de tous les jours » évoqué par M. Jacques Millard, de l’association Le Nid. L’idée que la prostitution est inéluctable devrait être éradiquée. La France et ses partenaires européens doivent définir une politique globale conjuguant répression, prévention et réinsertion.
En France, il est urgent d’augmenter les capacités opérationnelles de l’OCRTEH qui ne dispose que de quatorze officiers de police. En Europe, un Observatoire européen de la prostitution pourrait être créé, à l’image de celui sur les drogues. Il servirait à évaluer ce phénomène multiforme, complexe et mal connu, et à apprécier les besoins et à promouvoir des actions.
Dans la mesure où, comme l’a souligné l’ancien ministre britannique de l’intérieur, M. Jack Straw, « les seuls qui aient quelque chose à redouter d’une coopération accrue en Europe sont les criminels qui exploitent les différences entre les législations », il est prioritaire de rapprocher les législations nationales et les procédures pénales, en donnant une « définition commune » des crimes et en harmonisant les « seuils de sanction ». Actuellement, les proxénètes risquent au minimum six mois de prison en Allemagne, deux ans en Irlande, quatre ans au Danemark, cinq ans en France.
Outre des programmes spécifiques contre l’exploitation des femmes et des mineurs (STOP, Daphné), l’Union européenne, dans le cadre du « troisième pilier » (affaires intérieures et justice), tend à renforcer la lutte contre les filières criminelles, aussi bien avec Eurojust qu’avec Europol, en favorisant la constitution d’équipes communes d’enquête. Déjà l’opération conjointe des polices allemande, ukrainienne et autrichienne a permis de démanteler en avril 2001 un réseau exploitant des Biélorusses, d’abord enfermées dans des maisons closes de Saxe et de Thuringe, puis revendues à des établissements en Autriche.
Malgré les fortes pressions exercées par les pays réglementaristes, une étape importante dans la coopération internationale a été franchie en décembre 2000 à Palerme avec la signature par 124 pays de la Convention de l’ONU contre la criminalité transnationale organisée. Même s’il n’a été approuvé que par 80 Etats, dont la France, le protocole additionnel sur la traite humaine constitue un « instrument novateur », selon Mme de Zulueta, car il recommande d’accorder un permis de séjour aux victimes de la prostitution.
La Commission européenne étudie la mise en oeuvre de cette disposition, déjà appliquée en Belgique (depuis 1995) et en Italie (depuis 1998). Ainsi, les centres Payoke d’Anvers, Pag-asa de Bruxelles et Sürya de Liège ont fourni, en cinq ans, une formation et une allocation à 700 prostituées collaborant à des enquêtes. Quant au permis de séjour délivré par les autorités italiennes, il permet à ces femmes de bénéficier des services sociaux, de suivre des études ou de travailler. Et Mme Livia Turco, ex-ministre italienne de la solidarité, indique que « six cents permis ont été délivrés en 2000 ».
Des lois inadaptées
La police française, elle, préfère lan cer une investigation sans que la prostituée porte obligatoirement plainte contre le proxénète. Cette démarche évite certes les représailles. Mais les prostituées étrangères restent vulnérables, dans la mesure où elles sont considérées comme des clandestines susceptibles d’être expulsées. D’où la nécessité de leur octroyer un véritable statut de victime qui puisse à la fois les protéger et leur permettre de se réinsérer. Il est vrai que ce n’est guère facile. Pour une Nicole Castioni, qui siège au Parlement genevois après avoir arpenté pendant cinq ans la rue Saint-Denis, pour une Yolande Grenson, qui dirige l’association Pandora après s’être prostituée pendant dix-sept ans en Belgique, combien d’autres ne parviennent pas à s’en sortir parce que les lois sont inadaptées, les structures déficientes, les personnels insuffisants ? Une politique de réinsertion doit être engagée, qui conjugue l’écoute, l’accueil et l’aide, qui associe pouvoirs publics et associations. Ce partenariat est indispensable puisque, souvent, les prostituées appréhendent de se confier aux autorités, comme le souligne l’échec patent des services départementaux de prévention et de réadaptation sociale institués en 1960 ; il n’en subsiste que cinq.
Le milieu associatif est une interface dont l’utilité est reconnue par Mme Mireille Ballestrazzi, de la Direction centrale de la police judiciaire. Il convient donc de réanimer les commissions départementales créées en 1970 et tombées en désuétude : elles permettraient de mener une action cohérente sur le terrain, car elles réunissent des représentants des différents services publics et des associations concernées.
Jusqu’à présent, l’Etat s’est largement déchargé de sa mission de réinsertion sur les associations. Actives, généreuses, en prise avec la réalité, celles-ci (telles Altaïr à Nice, Cabiria à Lyon, Pénélope à Strasbourg, Le Pas à Dijon) disposent de moyens limités alors que leurs tâches augmentent, en raison de l’arrivée massive de populations dont elles ignorent la langue et la culture. C’est ainsi qu’ALC, dans les Alpes-Maritimes, a dû s’adjoindre les services d’une médiatrice russe. Les travailleurs sociaux et les bénévoles doivent être formés aux questions prostitutionnelles, à l’exemple de ce qu’a entrepris la DDASS de Loire-Atlantique.
Il est donc urgent d’accroître et de pérenniser par conventionnement les subventions versées aux associations, comme le conseille la sénatrice socialiste Dinah Derycke. Celle-ci suggère également de multiplier le nombre des foyers d’accueil et des opérations de terrain, de prévoir une aide financière (ou même un moratoire des poursuites fiscales) ; d’offrir des programmes de formation ; d’imaginer des débouchés professionnels...
Les expériences tentées à l’étranger, notamment en Italie, peuvent parfaitement inspirer l’action française. Par exemple celle de la Casa Regina Pacis, à San Foca, une petite station balnéaire des Pouilles où le curé, don Cesare Lodeserto, héberge une soixantaine de femmes de l’Est sauvées des griffes des proxénètes. Ou encore celle de don Oreste Benzi, prêtre à Rimini, qui a réussi à réinsérer plus de 1 000 prostituées.
Le précédent gouvernement italien s’était aussi fortement impliqué, en lançant, à l’automne 2000, une campagne télévisée de sensibilisation. Pour Mme Livia Turco, il s’agit d’une « expérience unique en Europe », avec deux volets : l’un avertit clairement les clients potentiels des violences infligées aux prostituées ; l’autre offre à celles-ci une « porte de sortie » grâce à un numéro vert accessible en permanence, qui, en moins de deux mois, a reçu 47 000 appels. Au total, près de 1 000 étrangères ont déjà bénéficié de ce programme de réinsertion. En même temps, l’Italie s’est engagée à soutenir la formation professionnelle des Nigérianes rapatriées, au sein, par exemple, du Centre de Bénin City, où elles apprennent l’informatique ou la restauration.
Cet exemple illustre l’importance des opérations menées vers et avec les pays d’origine des prostituées. C’est encore plus vrai pour la prévention. Ainsi l’OIM a-t-elle organisé en Hongrie une campagne de sensibilisation, sous forme de brochures et de spots audiovisuels. Pour contrer les petites annonces qui attirent les Bulgares par des promesses d’embauche mensongères, Sofia a publié la liste des entreprises autorisées à recruter de la main-d’oeuvre pour l’étranger.
Prévenir les femmes des risques qu’elles courent ne dispense pas d’informer les hommes. Qu’ils soient trafiquants, proxénètes ou clients, ils exploitent les femmes, à des degrés divers. Si les souteneurs doivent être punis, faut-il pénaliser les clients comme en Suède ? Les soigner comme au Canada ? Les éduquer comme en Californie ? Vaste débat.
En tout cas, il convient de faire évoluer les mentalités. Cela commence dès l’école, en apprenant aux adolescents, dans le cadre des cours sur la sexualité, les réalités cruelles de la prostitution. Qu’ils prennent conscience qu’elle constitue une grave violation des droits de la personne, que le corps humain est inaliénable et qu’il n’y a pas de prostituée heureuse.
François Loncle, journaliste
La Source : « Le Monde diplomatique », novembre 2001 (www.monde-diplomatique.fr)
Last modified 2005-11-23 04:45 AM