Skip to content
Marche mondiale des femmes   Marche mondiale des femmes
Portal Languages

World March of Women

http://www.worldmarchofwomen.org/
Personal tools

La traite des femmes en Grèce, un véritable enjeu de civilisation

Intervention prononcée par Sonia Mitralias lors du Forum Social Européen de Paris, 2003
■ ■ ■

Το κείμενο αυτό ήταν η συμβολή μας στις εργασίες, που έγιναν στις 12. Νοέμβριου στο Παρίσι στα πλαίσια του Ε.Κ.Φ, της « Ευρωπαϊκής συνέλευσης για τα δικαιώματα των γυναικών», στην θεματική «Βία κατά των γυναικών», στην οποία συμμετείχαμε με μια μαρτυρία από την Ελλάδα για το trafficking.

“Non coupables”! Ceci a été le verdict de la Cour d'Appel de Syros, une petite île et capitale des Cyclades, qui a clos le 13 Octobre passe une grosse affaire d'esclavage sexuel, qui a éclaté en 1998 dans l'île voisine de Santorin…

Deux propriétaires des boites de nuit et trois policiers, dont le commissaire de police Santorin d'alors, étaient accusés pour proxénétisme et trafic sexuel des femmes.

Le fait que le procès a été ajourné à plusieurs reprises et n'a abouti qu'après 5 ans, démontre l'importance de son enjeu.

Des groupes féministes et autres collectifs, et en particulier le Centre Féministe d'Athènes, avaient déjà attiré l'attention de l'opinion publique sur le fait que les proxénètes restaient systématiquement impunis et que leurs réseaux fonctionnaient grâce à la protection des forces de répression. Des organisations féministes d'Athènes avaient déjà lancé en Mars 2003, une campagne cible sur la société de Syros, avec des panneaux et des petites manifs devant le tribunal, de collage d'affiches et des interviews à la presse locale. L'affaire était très connue, mais sur la petite ville planait la peur qui se traduisait par le manque de solidarité et l'isolement des féministes.

C'est un fait qu'en Grèce, la traite des femmes a explosé durant la dernière décennie. Toute la société grecque a été marquée profondément et on peut affirmer que ce genre de prostitution constitue aujourd'hui en Grèce un véritable enjeu de civilisation.

L'objectif des féministes était que ce procès devienne exemplaire a) afin que soient dévoilés les réseaux du proxénétisme moderne, b) que le trafic du sexe soit reconnu comme un crime en tant que résurrection de l'esclavage au 21ème siècle, sous la pire de ses formes, de l'esclavage sexuel, et c) afin que tombe le tabou de l'impunité des forces de police qui y sont impliquées.

Deux mots sur l'ampleur du phénomène : aujourd'hui en Grèce, il y a 20.000 victimes du trafic du sexe, tandis qu'elles n'étaient que 2.100 au début des années '90. On estime que dans la période 1990-2000 les jeunes femmes étrangères exploitées de la traite ont été 77.500. Leurs contacts sexuels rémunérés sont estimés à 145.000.000 et ont rapporté des revenus de 6,2 milliards d'Euros. (Ces chiffres sont le résultat d'une étude fameuse de Grigoris Lazos, universitaire). Le prix d'achat d'une jeune femme sur les marchés balkaniques de la traite des femmes est de 500 Euros. Oui, une jeune fille qui est vendue aux proxénètes grecs et étrangers ne coûte que 500 Euros…

Leurs clients sont estimés à 1.000.000 d'hommes, plus du quart de la population masculine sexuellement active du pays.

Ces jeunes femmes, souvent des enfants, vieillissent précocement en l'espace d'un an, puisque il leur passent dessus de 30 a 100 de ces « gaillards» par jour !

Nous croyons que nulle part en Europe on n'a assiste a une telle explosion des trafics du sexe qui, en son tour, a limité si fort ce qu'on appelle la «prostitution traditionnelle». Il y a 10 ans, la prostitution des femmes indigènes concernait 3.400 personnes et aujourd'hui leur nombre reste plus ou moins le même tandis que la prostitution des étrangers a presque décuple.

Ceci est dû au fait que les « filles étrangers » sont obéissantes, qu'elles s'adaptent aux goûts des clients, qu'elles font « tout », partout, et à n'importe quelle moment, qu'elles sont meilleur marché. Elles sont « mises en valeur » dans les bars, les boîtes de nuit, les hôtels, les bâteaux, les voitures ou même dans les taudis, les champs, près des villages. Elles sont transportables, vont des villes à la campagne, d'un bled à l'autre…

Mais, tous ces avantages ont un prix. Et ce prix est la violence, les kidnappings, les viols, les drogues, la pauvreté, les tortures, la séquestration des passeports, et parfois même la mort. Et tout ça aboutit à la destruction des corps et des âmes de 20.000 êtres humains par an, sacrifiés sur l'autel d'une cote, des profits des réseaux des proxénètes sans scrupules, et de l'autre de la sexualité misérable et déshumanise de la population masculine.

Voici donc ce qui était l'enjeu extraordinaire de ce procès qui aurait pu être exemplaire et çe d'autant plus qu'il s'agissait d'un de très rares cas ou une telle affaire arrivait devant une cour de justice. Cet aboutissement judiciaire était dû au courage de deux témoins d'accusation qui ont osé briser le mur du silence et dénoncer ce qu'ils avaient su, malgré les pressions cauchemardesques exercées sur eux par les flics.

Le procès s'est déroulé dans un climat maccarthiste, de terreur et de cynisme à l'encontre des témoins d'accusation qui sont devenus des accusés. Pas un mot sur le sort de ces 20.000 femmes esclaves qui meurent lentement broyées par l'engrenage de cet esclavagisme moderne pratiqué par le crime organisé. Pas un mot de la pétition accusatrice de 380 habitants du village de Santorin qui ont osé dévoiler l'affreuse vérité. Aucun intéerêt des juges (président inclus) pour les preuves matérielles du crime, aucun intérêt pour ce témoin flic qui se rétracte en tremblant de peur, mais beaucoup d'acharnement contre les deux témoins courageux pressés d'avouer les motifs…politiques qui les pousseraient à vouloir nuire au prestige de la police grecque ! Une farce judiciaire doublée du scandale d'un procès arrange d'avance.

On doit reconnaître qu'après une très longue période de totale impassibilité, le gouvernement grec a pris tout récemment quelques mesures pour combattre ce fléau. Mais, cette soudaine activation de l'arsenal législatif a son explication très didactique : elle est due aux pressions des Etats-Unis, qui après avoir mis la Grèce sur la liste noire des pays les plus tolérants envers le phénomène de la traite des femmes, ont menacé Athènes de sanctions économiques et…militaires. Indépendamment du fait que la politique américaine soit un des principaux responsables de l'extrême pauvreté des pays comme la Bulgarie, la Roumanie ou l'Ukraine qui fournissent l'écrasante majorité des esclaves sexuelles exploitées en Grèce, le résultat concret de ces pressions est presque nul. Maintenant, il y a des lois qui prévoient des peines contre les proxénètes opérant en réseaux, mais les flics accusés de ces crimes continuent d'être innocentes par les tribunaux grecs…

Alors, que faire ? Pour répondre a cette question, il faudrait partir de l'évidence : tant le chiffre d'affaires de l'industrie de la traite des femmes que la réalité quotidienne de la  demande des clients pour louer ces corps, nous interdisent toute illusion sur la capacité de nos gouvernants de résoudre ce grand problème de civilisation. Les profits énormes qui situent l'industrie du sexe juste après celle du commerce des armes et du trafic des drogues, corrompent l'Etat et empoisonnent en profondeur la société grecque. Tandis que se banalise la sexualité fondée sur la négation de l'humanité de la femme, tous les rapports humains et avant tout ceux entre hommes et femmes se dégradent.

Alors, c'est à nous-mêmes, aux mouvements féministes d'agir, en Grèce et partout ailleurs, afin que se tissent des liens avec les mouvements féministes et progressistes des pays d'origine des victimes de ce crime contre l'humanité. Pour briser le mur du silence, dénoncer les complicités infâmes, punir les criminels, et surtout aider concrètement, libérer les centaines des milliers de nos sœurs qui souffrent et parfois meurent, condamnées à voir leur dignité humaine piétine chaque jour dans le libre marche sexuel de cette Europe barbare et néo-liberale. Commençons alors tout de suite, ici à Paris afin que la lutte contre l'exploitation sexuelle des dizaines des milliers des femmes réduites a l'esclavage devienne une cause prioritaire du mouvement féministe européen, mais aussi le combat de tous les mouvements qui se reconnaissent au Forum Sociale Européen et Mondial. Car aucune lutte émancipatrice ne sera suffisamment crédible et ne pourra arriver à ses fins tant qu'il y aura des êtres humains, des jeunes femmes de l'Est ou d'Afrique, maintenues en l'état d'esclaves sexuels en Europe et dans le monde !

Proposition : une campagne européenne : Un autre monde, sans prostitution et sans esclavage est nécessaire !

Copyrights : CC by-nc-sa 2.0
Last modified 2006-02-23 02:29 PM