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Le dur réveil des femmes de l’Est

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Par Elisabeth Kulakowska, journaliste indépendante.

Paupérisation accélérée, reculs sociaux, prostitution: les femmes des pays de l’Est, touchées de plein fouet par la transition économique, commencent à relever la tête.

En Roumaine et en Russie, elles dénoncent d’abord la violence dont elles sont victimes dans leur foyer; en Pologne, elles se battent surtout pour la légalisation de l’avortement; en Bulgarie et en Hongrie notamment, elles organisent des campagnes de sensibilisation à l’intention des jeunes filles tentées par l’argent «facile» de la prostitution: un peu partout, des femmes d’Europe de l’Est essayent de s’organiser pour défendre leurs droits. Elles ont fort à faire.
D’une manière générale, les changements politiques et économiques qui ont bouleversé les anciens pays du bloc soviétique depuis le début des années 90 ont entraîné un processus de marginalisation des femmes, tant du point de vue de leur représentation dans les instances du pouvoir que du point de vue économique. Sur le papier, l’égalité des sexes continue à être inscrite dans l’ensemble des Constitutions des pays d’Europe centrale et orientale. Dans les faits, la situation est tout autre.

Graves reculs sociaux pour les mères de famille
Un rapport du Fonds des Nations unies pour l’enfance, l’U
NICEF, intitulé Femmes en transition1 et portant sur 27 pays de l’Est, corrobore, chiffres à l’appui, cette analyse. «L’étude a constaté que, si le communisme avait apporté de nombreux avantages aux femmes, particulièrement dans les secteurs de l’éducation et de la santé, il n’était pas parvenu à imposer une véritable égalité des sexes. Aujourd’hui, dans la transition vers une économie de marché, la condition de la femme se détériore», a souligné Carol Bellamy, directrice générale de l’UNICEF, lors de la présentation de ce rapport, en septembre 1999. Depuis 1990, dans tous les pays de la région à l’exception de la Hongrie, les restructurations économiques ont surtout touché les secteurs industriels à forte intensité de main-d’œuvre féminine.
Dans les branches mixtes, les femmes ont été licenciées avant les hommes, conformément aux pratiques discriminatoires bien connues qui consistent à renvoyer celles-ci en priorité «dans leur foyer». «Sur les quelque 26 millions d’emplois supprimés en Europe de l’Est depuis 1989, environ 14 millions étaient occupés par des femmes», rapporte Carol Bellamy. Aujourd’hui, le taux de chômage féminin y est en moyenne de 5% plus élevé que celui des hommes. Il n’est pas rare, notamment en Pologne, qu’un employeur exige de la part d’une candidate à un poste un test de grossesse prouvant qu’elle n’est pas enceinte. En Bulgarie et en Roumanie, les petites annonces ouvertement sexistes remplissent les colonnes des journaux.
Face à l’ampleur de la crise économique, les gouvernements ont drastiquement réduit le volet social des dépenses budgétaires. Ils ont aussi abrogé de nombreuses lois de l’ère communiste, qui garantissaient un statut privilégié aux mères de jeunes enfants ainsi qu’aux mères célibataires, ou permettaient la prise en charge d’enfants pré-scolarisés (crèches, allocations de garde d’enfants, etc.). La disparition de ces avantages réduit ainsi les chances des femmes de trouver ou de retrouver un travail. Et lorsqu’elles en ont un, elles sont moins bien payées que les hommes. La différence est en moyenne de 24% en Russie, 16% en Pologne et 15% en Hongrie, selon l’U
NICEF
. Résultat: on assiste actuellement à une «féminisation de la pauvreté», estiment les spécialistes.
L’une des conséquences les plus graves de la crise économique et de l’ouverture des frontières est que des jeunes filles de plus en plus nombreuses se laissent entraîner dans la prostitution ou piéger dans ses réseaux internationaux. Selon les estimations concordantes de l’ONG La Strada de Varsovie et de l’Organisation internationale pour les migrations de Vienne, environ 500 000 jeunes femmes de l’Est (ex-URSS inclue) se prostitueraient en Occident. D’après Regina Indshewa, présidente de l’Alliance des femmes pour le développement de Sofia, «10 000 prostituées bulgares se retrouvent chaque année sur le “marché” des pays de l’Union européenne».
Les maladies sexuellement transmissibles gagnent du terrain (environ une jeune fille sur 100 est atteinte de syphilis en Russie, affirme l’U
NICEF
, de même que le sida. Dans les 27 pays étudiés dans le rapport, les cas d’infection par le VIH sont passés de 30 000 en 1994 à 270 000 fin 1998, affirme Carol Bellamy. Enfin, la recrudescence de l’alcoolisme et de la toxicomanie chez des filles de plus en plus jeunes est un phénomène notoire, surtout en Russie.
Sujet tabou et totalement occulté sous les régimes communistes, la violence contre les femmes a récemment, pour la première fois, fait la une de journaux en Roumanie et en Pologne. Le rapport de l’U
NICEF
souligne qu’«une enquête à Moscou a révélé que plus d’un tiers des femmes divorcées avaient été battues par leur mari». La violence conjugale est pourtant interdite par la loi en Russie mais, dans la grande majorité des cas, le fautif n’encourt en réalité aucune sanction. En Arménie, en Bulgarie ou en Géorgie, les coups entre conjoints ne sont pas proscrits. En Slovénie, cette violence n’est punissable que dans les cas «graves» mais pas ceux occasionnant des «blessures légères», parmi lesquelles figurent, précise la loi, les «fractures du nez, des côtes ou des dents cassées»... «Chaque année, 60 000 femmes sont battues par leurs conjoints en Bulgarie. Et seulement 1% des viols sont signalés à la police», s’indigne Regina Indshewa, dont l’Alliance se mobilise contre l’indifférence des pouvoirs publics.
En Pologne, la question de l’avortement a alimenté les plus vifs débats. Autorisée de 1959 à 1993, soumise en 1993 à des conditions très restrictives assouplies en 1996, l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est de nouveau interdite depuis 1997, sauf en cas de viol, de malformation du fœtus ou lorsque la vie de la mère est en danger. Les pressions de l’Eglise catholique y sont pour beaucoup. Actuellement, les avortements clandestins sont estimés à plus de 30 000 par an en Pologne par les ONG locales. Née dès 1991, la Fédération polonaise pour les femmes et le planning familial, parmi d’autres organisations, multiplie les actions en faveur de la légalisation de l’IVG.
La Roumanie a suivi le chemin inverse: interdit de 1965 à 1989 sous Ceaucescu, l’avortement a été totalement libéralisé en 1990. Du coup, la pratique autrefois très répandue consistant à abandonner les enfants non désirés dans des orphelinats-mouroirs a régressé. Dans beaucoup de pays (Hongrie, Lituanie, Slovénie, Slovaquie et Ukraine notamment), l’IVG a été soit remise en cause, soit assortie de conditions restrictives.

Une mobilisation politique en recul
Actuelle conseillère pour les affaires sociales du président polonais, Barbara Labuda avait été une militante passionnée en faveur des droits des femmes dans les années 80, au sein de Solidarnosc, premier syndicat indépendant des pays de l’Est. Fondatrice du groupe parlementaire des femmes à Varsovie, cette «petite bonne femme» blonde avoue parfois se sentir lasse devant le peu d’engagement des femmes de l’Est, sur la scène politique notamment. Au sein des assemblées législatives, elles ne représentent que 13% des élus en Pologne, 10,4% en Bulgarie, 10% en République tchèque, 12,9% en Estonie, 8% en Hongrie, 7% en Roumanie, 14,7% en Slovaquie et 7,8% en Slovénie, selon les données nationales.
En général, les revendications sur le statut de la femme dans la société sont toujours très mal perçues par les sociétés est-européennes. «Le slogan sur l’égalité des sexes nous a été rabâché pendant des années par le Parti communiste, alors que nous savions très bien qu’il ne correspondait en rien à la réalité (voir encadré), explique Barbara Labuda. C’est pourquoi les femmes sont très méfiantes à notre égard.» Elles se sentent accablées par un quotidien déjà bien lourd, ce qui freine leur mobilisation, ajoute de son côté Erzsebet Szabo, médiatrice hongroise chargée de la défense des citoyens contre les abus de l’administration.
Carol Bellamy de l’U
NICEF dresse un constat moins sombre. D’une part, la démocratisation des pays de l’Est a permis la création de nombreuses associations de femmes et d’ONG très actives sur le terrain, souligne-t-elle. Ainsi, en République tchèque, les femmes constituent 70% des membres des ONG, et 85% d’entre elles étaient dirigées par une femme en 1984. La Pologne, où la société civile a été la première à s’organiser sous le régime communiste, compte environ 200 associations dont les activités sont directement liées à la promotion des femmes ou à la défense de leurs droits. Les plus importantes – une dizaine – ont au maximum une centaine de membres. La Roumanie compte une soixantaine d’associations de femmes, tout comme l’Albanie et la Bulgarie.
D’autre part, les femmes s’impliquent de plus en plus dans les affaires. Dans neuf
2 des pays étudiés par l’UNICEF, un quart des chefs d’entreprises sont des femmes. A Bucarest, Cristina Grigorescu dirige la première association de femmes d’affaires de l’Est, l’AFIR
qui compte une centaine de membres. Dans tous les autres pays de la région, des femmes d’affaires se regroupent en réseaux, pour vaincre notamment les réticences des banques à leur accorder des crédits.
L’année 1995 a été une date charnière pour les organisations de femmes à l’Est: pour la première fois, elles ont pu participer librement à la quatrième conférence internationale des femmes organisée par l’O
NU à Beijing. Elles ont noué des contacts entre elles, ainsi qu’avec des organisations occidentales. Depuis, la coalition KARAT
regroupe 10 associations (d’Albanie, de Bulgarie, de République tchèque, de Macédoine, de Pologne, de Russie, de Roumanie, de Slovaquie, d’Ukraine et de Hongrie) et organise régulièrement des rencontres.
Dans tous les pays, ces organisations n’en sont qu’au début d’un long parcours et leurs acquis sont encore minces. Mais toutes continuent de se battre, en comptant sur les jeunes générations, pour que les femmes de l’après-communisme ne soient pas considérées comme «des citoyennes de seconde zone», condition pour que la démocratie soit vraiment respectée dans leurs pays.


1.        Le rapport Femmes en transition a été préparé par l’équipe du projet MONEE au Centre de recherche Innocenti de l’UNICEF à Florence. Il analyse en détail comment la fin du communisme a touché les 150 millions de femmes et les 50 millions de filles qui vivent en Europe centrale et orientale, dans la Communauté des Etats Indépendants (CEI) et dans les Etats baltes. L’étude englobe 27 pays.

2. République tchèque, Slovaquie, République de Yougoslavie, Bulgarie, Roumanie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Russie.

 

La Source : Le Courrier de l'UNESCO

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Last modified 2005-12-13 04:17 PM