Résumé : La paix comme condition de vie*
La Marche mondiale des femmes a affirmé, au cours des dernières années, son engagement en faveur de la paix et son rejet de la guerre et de la militarisation de la société. L'engagement des femmes sur le terrain s'appuie sur une vision active de la paix. Il postule la reconnaissance pleine, entière et active des droits des femmes et sur des actions de formation et de solidarité qui vont au-delà des frontières.
Pourquoi un tel intérêt pour la paix ? Parce que la guerre est un des expressions les plus vives des discriminations que vivent les femmes… Dans tous les conflits, les attaquants se servent du viol des femmes pour atteindre leurs ennemis : viols systématiques pour parfaire le « nettoyage ethnique » au Balkans; viols, maltraitements et assassinats au Rwanda; soldats enfants filles, servants de domestique et esclaves sexuelles dans les troupes en conflit un peu partout dans le monde.
Que les femmes réclament la fin des conflits...semble dès lors normal. Mais au-delà des cessez-le-feu, les femmes exigent une participation active aux processus de reconstruction de la paix. Elles veulent être présentes dans les instances politiques de manière égalitaire afin de créer une société où il n'y a ni violences ni domination d'une personne sur une autre ou d'un groupe sur un autre : « Pour nous, la paix est une paix active, qui exige la solidarité, la reconnaissance de nos droits. La construction de la paix, dans le cadre de politiques économiques néo-libérales constitue un défi pour les femmes. Il n'y a aura pas de paix sans éradication de la pauvreté, de la violence et de l'exclusion qui touche particulièrement les femmes autochtones et les femmes rurales de nos pays », commentent les Péruviennes et les Équatoriennes de la Marche mondiale.
La paix va en effet bien au-delà de l'absence de guerre ou d'armes dans une société. La paix existe non seulement quand les droits des femmes sont reconnus dans la société et quand les violences sont éradiquées, mais aussi quand toutes et tous ont accès à un travail, à des revenus, suffisants pour se nourrir, se loger, se vêtir, s'instruire, être protégé pendant sa vieillesse, avoir accès aux soins. La paix existe quand il y a un système de justice indépendant et intègre qui veille à ce que l'impunité ne règne pas. La paix se base sur une éducation qui ne valorise pas la violence et les comportements machistes. Elle exige tolérance, dialogue, respect de la diversité et solidarité. C'est cette solidarité et la prise de conscience que les guerres sont faites au profit de quelques-uns, qu'elles sont alimentées par l'intégrisme, le racisme et l'exacerbation des différences qui ont permis à de nombreuses femmes de dépasser les différends qui sont imposés par la politique de leur pays. L'exemple d'actions menées au-delà des frontières dans la région des grands lacs africains cité ci-dessus est exemplaire.
Patriarcat, Guerre et Pauvreté : Les violences faites aux femmes
Depuis plus d'une décennie, la Région des Grands lacs africains est le théâtre de conflits armés internes et externes aux pays voisins à savoir le Burundi, le Rwanda, la République Démocratique du Congo et l'Uganda. Des guerres civiles, tribales, des rébellions, suivies d'occupations du territoire, ont fait et continuent à faire des victimes innombrables au sein des populations suite aux massacres, tueries et autres violations massives des droits humains. Elles ont entraîné la destruction des infrastructures économiques et sociales, la baisse de la productivité et l'augmentation du nombre de personnes vulnérables (orphelinEs, veuves, handicapéEs, enfants soldats etc. ).
Les femmes en ont payé le plus lourd tribut. Déjà défavorisée par le système patriarcal dans tous les domaines, elles ont été victimes de viols à grande échelle aussi bien pendant les conflits armés, dans les camps des réfugiéEs que dans les ménages. Ces viols ont entraîné l'augmentation de la propagation du VIH/SIDA, des problèmes gynécologiques divers, des traumatismes psycho-somatiques ainsi que le rejet social. Les cycles des violences ont aussi aggravé le niveau de pauvreté des femmes alors que beaucoup d'entre elles devaient jouer le rôle de cheffes de ménage, sans y avoir été préparées.
Les viols et violences faites aux femmes dans la région des grands lacs africains
Les guerres rendent les femmes et les jeunes filles particulièrement vulnérables. Des femmes, des jeunes filles et parfois de jeunes enfants sont violés, enlevés et contraints à un esclavage sexuel forcé. La déliquescence des structures économiques et sociales est propice à la multiplication de ces violences. Quand elles sont forcées de quitter leurs maisons, pour trouver refuge ailleurs, les femmes et les jeunes filles sont séparées de leurs familles et donc exposée à diverses agressions. Elles peuvent alors être contraintes de faire le commerce de leur corps pour s'assurer une protection ou simplement pour avoir un abri ou se nourrir.
Dès lors, les viols et violences ont non seulement tendance à augmenter mais tendent même à devenir systématiques : les viols deviennent une arme de guerre qui vise à déstabiliser et menacer une partie de la population civile. L'ennemi s'en prend aux femmes et aux jeunes filles car l'humiliation et le mal qu'il leur inflige les affectent profondément, touchent et humilient aussi leur famille et même toute la communauté. Malheureusement, même quand la guerre est finie, les viols, eux continuent.
Les conséquences des violences sexuelles
1, Physiques ou sanitaires : menace, coups, mutilations, blessures; déchirures des parties génitales surtout pour les femmes violées par plusieurs acteurs; infections telles que les IST/SIDA; l'endommagement des organes de reproduction qui vont jusqu'à l'ablation de l'utérus; douleurs insupportables parfois mortelles; grossesses non désirées et l'augmentation des filles mères; implications négatives sur la vie des couples.
2, Économiques : Les violences aggravent la vulnérabilité économique des femmes (les biens et les ressources de la femme appartiennent à l'homme qui en décide comme il veut, mariages forcés ou précoces; veuves dépouillées de leurs biens que les membres de la belle-famille se partagent, etc). Les viols sont accompagnés de pillages, laissant les familles sans moyens de survivre. Devenues veuves, déplacées de force ou ayant fui leur village et leur résidence, elles se retrouvent dans des camps de réfugiÉes dans des conditions d'abjecte pauvreté. Les femmes et filles victimes des viols et violences sont marginalisées, ne vont plus au champ et n'exercent plus leurs activités économiques et d'autosubsistance.
3, Psychologiques : la peur, la honte, les hallucinations, l'amaigrissement, l'insomnie, des vertiges, la colère, la panique, la nervosité, la peur de l'inconnu, la haine du masculin, l'isolement, la culpabilité, les mouvements involontaires, perte de confiance et énormes difficultés a manifester de l'amour et de l'affection, etc. Ainsi, plusieurs femmes évitent d'aller au champ, à la rivière, au marché, à l'école. Fuit de mari et fiances. Certaines s'adonnent à la prière, d'autres à l'alcool et à la drogue.
4, Socio-culturelles : Rejection et isolation des femmes violées (pourtant, si l'acte de viol n'a pas été commis publiquement, les victimes ont du mal à le dénoncer de peur d'une sanction sociale). Naissance des enfants nés du viol et souvent une rejection d'eux par leur maman, par la famille de leurs maman ou la communauté (certains jeunes victimes ne vont plus à l'école, personne n'assure leur charge et celle de leurs enfants, elles sont la proie à la prostitution). Les sociétés détruites sont le terreau idéal pour le crime organisé qui multiplie les enlèvements, séquestrations pour forcer des femmes à la prostitution.
Les aspects juridiques des viols et violences
Le silence, l'indifférence et l'inactivité des acteurs politiques ont été longtemps la seule réponse à ce phénomène. Malheureusement aussi, l'impunité est souvent de règle. Malgré la reconnaissance, à l'échelon international, du viol et d'autres actes de violences sexuelles comme les crimes de guerre, les mesures prises restent inadéquates. Le manque de justice reste inacceptable, mais malgré tous cela, une avancée sur le plan juridique dans les 3 pays des Grands Lacs africains est déjà observée.
La paix par la solidarité : COCAFEM/GL, une concertation née de la Marche
COCAFEM/GL (Concertation des collectifs des associations oeuvrant pour la promotion de la femme dans la région des Grands Lacs) est constituée de quatre collectifs venant de 3 pays de la sous- région… Dans le cadre de la MMF de l'an 2000, les femmes de la Sous-Région des Grands Lacs, membres des collectifs précités, se sont regroupées en concertation au niveau régional en vue de produire un cahier des charges à soumettre aux autorités nationales, régionales et internationales… La COCAFEM/GL a ainsi été créée en juin 2001 et, au plus fort de la crise, a permis aux femmes d'une région en guerre de se mettre ensemble pour discuter de la paix, des stratégies de lutte contre la pauvreté et des violences faites aux femmes, de partager leurs expériences, de formuler des revendications communes et même de concevoir des projets communs.
Vision : une région des Grands Lacs paisible, où chaque citoyen, homme et femme, jouit pleinement de tous ses droits.
Mission : de contribuer à la promotion de la culture de la paix, la tolérance, la non-violence et le respect des droits humains, en particulier ceux de la femme et de l'enfant, l'amélioration du statut de la femme dans la région des Grands Lacs africains.
Objectifs :
-le renforcement des capacités des membres de la COCAFEM/GL et la création d'un cadre légal, structuré et opérationnel de concertation.
-d'amener les décideurs nationaux, les institutions africaines et internationales à impliquer la femme dans la construction de la paix durable et à soutenir la promotion de la femme.
- l'amélioration des connaissances et l'adoption d'attitudes et de comportements favorables à la promotion de la paix, des droits humains, du genre et de la lutte contre les violences faites aux femmes.
-de renforcer les capacités économiques des femmes de la région des Grands Lacs.
-de renforcer les actions de la COCAFEM/GL et sa visibilité par le travail en synergie et le soutien mutuel entre les collectifs membres de la COCAFEM/GL et entre la COCAFEM/GL et d'autres organisations du monde.
Axes de travail : le développement des capacités organisationnelles; des actions de plaidoyer, lobbying et négociation; l'éducation à la paix, aux droits humains, au genre et à la lutte contre les violences faites aux femmes; des actions de solidarité.
Les principales réalisations de COCAFEM/GL incluent, entre autres :
La production d'un état des lieux sur la situation des femmes dans la région des Grands Lacs dans le cadre du suivi des revendications de la MMF, et de la conférence internationale sur la paix, la sécurité et le développement dans la région des Grands Lacs ;
L'organisation d'un séminaire international à Goma (RDC) du 26 au 30 septembre 2004 sur le thème « paix et militarisation dans le cadre de la préparation de la 5ème rencontre de suivi de la MMF.
Position de la COCAFEM/GL sur les guerres de la Région des Grands Lacs africains
La COCAFEM/GL estime que les femmes n'ont pas été ou ont été peu impliquées dans les différentes phases de négociations pour la paix alors que celles-ci sont les premières victimes des violences causées par les guerres au vu des témoignages des victimes et leur nombre toujours croissant… COCAFEM/GL réclame que les mesures appropriées, réalistes et efficaces pour mettre fin, et d'une manière durable aux conflits dans la sous-région soient prises pour créer un environnement politique et social capable d'accélérer le développement et l'épanouissement de la femme.
Last modified 2008-03-28 12:00 PM
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