Dans le cadre de la campagne des 16 jours, une conférence publique a eu lieu le 2 décembre 2006 à Ouagadougou, Burkina Faso. Sous le titre, 'Quelles précautions contre la contamination volontaire', plusieurs sujets chauds d'actualité ont été soulevés.
«La longue marche des femmes n'est pas à son terme»
(Monique Ilboudo, 2004)
Dans le cadre des 16 jours d'Activisme contre les Violences faites aux Femmes et aux Filles, une coalition d'ONG burkinabé millitant pour les droits des femmes a organisé une conférence publique le samedi 2 décembre dernier à Ouagadougou. Sous le thème: «Quelles précautions contre la contamination volontaire», des débats ont été soulevés sur les enjeux suivants: Genre et VIH/SIDA et la loi 049-2005/AN portant sur la santé de la reproduction voté en 2005 au Burkina Faso.
D'un pays et même d'un continent à l'autre, les sociétés du monde doivent faire face au VIH/SIDA. Selon le rapport de ONUSIDA en 2006, 39.5 millions de personnes sont infectées par la maladie et 25 millions en sont décédées. De ce chiffre alarmant, 65% des personnes contaminées vivent en Afrique Subsaharienne. Depuis une dizaine d'année, la pandémie tent à se féminiser. Au Burkina Faso, sur les 140 000 personnes infectées, 80 000 sont des femmes de 15 ans et plus. (ONUSIDA, 2006)
Le VIH/SIDA, est-ce seulement un problème de santé?
Lors de la conférence publique, Mme SEBGO Pascaline, membre de l'association PSVDHTE et chargée de Programme Droits Humains, Lutte contre le trafic et les pires formes de Travail des Enfants, souligne que le VIH/SIDA au Burkina Faso n'est pas seulement un problème de santé: «S'il est vrai que l'épidémie du VIH/SIDA est un sérieux problème de santé, elle pose également un problème de genre. Les statistiques prouvent que le VIH/SIDA affecte de manière disproportionnée les femmes et les adolescentes qui sont socialement et économiquement en position d'infériorité». Au premier regard, lorsqu'il est question de transmission du VIH/SIDA, nous tendons à croire que la maladie ne touche que ceux qui ont des comportements à risque. En évoquant les facteurs biologiques, socio-culturels et économiques liés au VIH/SIDA, Mme Sebgo a démontré la vulnérabilité de tout un chacun.
Le témoignage de Mme BASSINGA Odile, mère de famille burkinabé et séropositive, a contribué à la déstigmatisation de la maladie. Malgré la tragédie de sa contamination, Mme Bassinga nous a sereinement partagé son histoire mettant l'emphase sur l'annonce de sa sérologie à sa famille. Mme Bassinga a eu la chance d'être entourée de gens compréhensifs, empathiques et généreux. Malheureusement, parmi les 140 000 personnes atteintes au Burkina Faso, son histoire est plutôt exception que généralité. Dans la plupart des cas, la peur du rejet, de l'abandon et surtout de la violence sont au coeur de la divulgation de la maladie. Selon une conseillère d'un centre de dépistage de Ouagadougou: « le dépistage n'est pas un problème, le vrai problème, c'est l'annonce des résultats au partenaire et surtout la gestion des problèmes qui naîtront après l'annonce au partenaire ». Mme Sebgo souligne même que plusieurs personnes sous ARV continuent d'avoir des rapports sexuels non protégés et que d'autres se cachent pour prendre leurs médicaments à l'insu de leur(e) conjoint(e).
Le VIH/SIDA est une maladie incurable qui engendre la mort. Il est légitime qu'une personne nouvellement informée de sa sérologie soit apeurée et déstabilisée. Il n'est cependant pas excusable de fermer l'oeil ou de nier les effets liés à la maladie. Plusieurs séropositifs se disent, «mieux vaut ne pas y penser et continuer comme avant». (Sebgo, 2006)
C'est donc à la suite de ces faits que la loi 049-2005/AN portant sur la santé de la reproduction a été votée et promulguée en décembre 2005 et janvier 2006 au Burkina Faso.
La loi 049-2005/AN portant santé de la reproduction
La loi 049-2005/AN stipule plusieurs principes, droits et devoirs en matière de santé de la reproduction. Lors de la conférence, une attention particulière a été porté aux articles 17, 18 et 22 traitant de la contamination volontaire:
Article 17: «Tout individu qui a connaissance de son état de malade d'Infections Sexuellement Transmissibles (IST) ou d'infection au Virus de l'immunodéficience humaine (VIH) a le devoir d'informer son (ses) partenaire(s)é».
Article 18: «Tout individu qui a connaissance de son état d'infection au VIH et qui ne prend pas de précautions nécessaires et suffisantes pour la protection de son (ses) partenaire (s) encourt des sanctions pénales. »
Article 22: «Sont interdits et punis conformément aux lois et règlements en vigueur: toutes les formes de violences sexuelles, les mutilations génitales féminines, la castration, la transmission volontaire du VIH/SIDA, l'exploitation sexuelle sous toutes ses formes, la publicité mensongère sur les méthodes contraceptives, la diffusion d'images et messages pouvant nuire à la santé de la reproduction. »
Mme SANOU Fatimata, membre de l'association des femmes juristes du Burkina Faso et deuxième panéliste, ouvre le débat et présente ses inquiétudes face à la loi 049. Malgré le fait que cette loi fait preuve d'avancement juridique dans la lutte contre le VIH/SIDA, elle ne comporte aucune précision à caractère pénal. Le SIDA tue et ainsi, une personne qui ferme l'oeil sur sa sérologie et transmet son virus commet un homicide volontaire. La gravité de la situation oblige les professionnels à se pencher sur ces articles de la loi et à y apporter des précisions. Car présentement, il est légitime de se demander si la loi profite réellement aux victimes.
Des débats ont ainsi été lancés sur les insuffisances de cette loi. Cependant, certaines questions restent toujours sans réponse. Comment prouver qu'une transmission est volontaire? Que l'infecté n'était pas conscient de son état? Les professionnels de la santé doivent-ils faire fi du secret professionnel en informant la famille sur la sérologie du patient? Et dans une société où la femme doit se soumettre à son mari, cette dernière est-elle en mesure d'exiger la contraception et la fidélité?
Il semble que nous entrons dans un cercle vicieux lorsqu'il est question de genre et VIH/SIDA. Selon Mme ILBOUDO Monique, Ministre de la Promotion des Droits Humains au Burkina Faso, l'important n'est pas de répondre à toutes ces questions en ce jour, mais plutôt de continuer à faire entendre nos voix sur ces points chauds. Car c'est ensemble, un pas à la fois, que nous avancerons vers une solution juste et équitable pour tous.
Anne-Marie Jolicoeur
Assistante Technique aux Communications et Plaidoyer
Marche Mondiale de la Femme, Burkina Faso
Last modified 2007-01-08 06:39 AM