La Caravane, un outil d’éducation populaire

Dans le cadre de son Plan d’Action international 2002/2005, la Marche mondiale des Femmes (MMF) a prévu une action mondiale qui a pris la forme d’une Marche à relais en vue de la diffusion et l’appropriation par les femmes d’une Charte Mondiale des Femmes pour l’Humanité.

Ainsi, le 08 mars 2005, la Charte a fait le tour du monde en traversant cinquante pays des cinq continents. Ce Relais a pris fin en Afrique au Burkina Faso le 17 octobre 2005. Pendant que le Relais allait  de pays en pays, la Charte circulait à l’intérieur des pays pour être connue et intégrée.

C’est dans ce contexte que la Coordination du Burkina Faso a choisi de conduire une Caravane  dénommée « Caravane Nationale pour l’Appropriation de la Charte Mondiale des Femmes pour l’Humanité » à travers les treize régions du pays du 06 mai au 08 juin 2005.

Compte tenu du taux d’analphabétisme  élevé (environ 80 %) différents outils d’éducation populaire ont été identifiés pour maximiser la participation des populations dans les principales langues nationales.

L’éducation populaire c’est celle qui n'est pas cadrée dans les structures traditionnelles de la famille, de l'école ou de l'université. C'est l'éducation au sein du  " temps de loisir " par la pratique volontaire de la vie de groupe, la confrontation, le partage. C'est aussi l'éducation de chacun par chacun: l'éducation qui ne vient pas d'en haut, des classes dominantes, mais qui cherche à refondre la culture populaire en accordant une égale dignité à toutes les classes de la société. L’éducation populaire c'est aussi et surtout, l'apprentissage de la citoyenneté, la participation à la construction d’une nation juste et paisible.

 C’est pourquoi la Caravane Nationale pour l’Appropriation de la Charte mondiale des Femmes pour l’Humanité, qui visait à donner une impulsion à la lutte contre les violences faites aux femmes et la féminisation de la pauvreté, a choisi le théâtre forum, le forum débat, le cyclisme féminin, le plaidoyer musical comme outils d’éducation populaire. Ces activités ont eu pour thème central les valeurs de la Charte, que sont : l’égalité, la liberté, la solidarité, la justice et la paix.

Ces activités avaient pour principaux objectifs de :

-     Amener les populations, plus particulièrement les femmes rurales, à prendre davantage conscience des problèmes de la féminisation de la pauvreté et des violences envers la femme à travers la Charte mondiale des Femmes pour l’Humanité ;

-     Amener les leaders d’opinion à s’approprier la Charte mondiale des Femmes pour l’Humanité…

Le théâtre forum

Au cours de la Caravane, le relais à transmettre de région en région, a été le théâtre forum dont la mise en scène de la pièce maîtresse a permis aux femmes des différentes régions d’y retrouver leurs préoccupations. En effet, « Tourments de femmes », présentée par la troupe de l’Atelier de Théâtre Burkinabè, a attiré un large public. Cette pièce, qui abordait des phénomènes sociaux comme : l’excision, le mariage forcé et l’exclusion de la femme, a su démontrer comment les valeurs de la Charte Mondiale des Femmes pour l’Humanité pouvaient contribuer à une plus grande harmonie au sein des foyers et des communautés.

Le caractère choquant de certaines scènes a été voulu pour mieux susciter les débats.

 Ainsi dans toutes les régions, y compris celle du Centre les 8 juin et 16 octobre (fin de la Caravane et accueil de l’ancrage final du relais), les débats ont été très houleux autour des questions de :

-         déscolarisation des filles

-         excision

-         mariage précoce et forcé

-         violences conjugales

-         pratiques coutumières néfastes pour la femme (exemple : un tribunal d’hommes pour juger une femme violentée par sa belle famille).

Si beaucoup des spectateurs qui sont montés sur scène, ont d’abord condamné, ils et elles ont aussi proposé des alternatives pour sauver les femmes de situations difficiles comme celles jouées dans la pièce.

Au niveau de la participation selon l’évaluation dans le rapport de la Caravane, on peut noter que :

-         l’audience des représentations dans les 13 chefs lieux de région a été estimée à  6114 personnes soit 94 % des prévisions de départ ;

-    la participation des femmes a été de 59 %, celle des hommes 23 % et les enfants

18 % ;

-         la participation des enfants a été très réconfortante dans la mesure où les enfants et les jeunes occupent de plus en plus une place de choix, en tant que groupes cibles « espoir du changement » ;

-         si à cet auditoire, l’on ajoute celui du 16 octobre 2005, on peut estimer à plus de 7000 les personnes ayant eu l’opportunité de visualiser la Charte jouée ;

-         le taux de 23 % d’hommes peut paraître faible, mais la pertinence des contributions des hommes fera sans aucun doute tâche d’huile auprès des autres couches de la population.

En effet, lors la représentation leurs réactions et  la pertinence de leurs interventions pendant les échanges sur la pièce ont été  les baromètres de leur adhésion aux côtés des femmes. Cet acquis a toute son importance vue que le changement de mentalités et de comportements au Burkina Faso face aux violences faites aux femmes passe nécessaire par l’implication des hommes dans les luttes.

 Les forums débats

Les forums débats en langues nationales qui constituent un important outil d’éducation populaire dans le contexte burkinabè, ont aussi porté fruits. Les communicateurs et les communicatrices (juristes, sociologues, enseignants (es), responsables d’associations féminines) ont donné leur vision d’un monde inspiré des valeurs de la Charte avec enthousiasme. Les participants, parmi lesquels figuraient les autorités locales, les leaders d’opinion, les femmes et les hommes, ont par leurs contributions jeté les bases d’un projet de société unie par les valeurs d’égalité, de liberté, de solidarité, de justice et de paix.

Des analyses qui sont ressortis  des communications, on peut noter les réflexions suivantes :

-         la règle de la démocratie est la loi du grand nombre ;

-         les femmes constituant 52 % de la population du monde, devraient être au centre de toutes les prises de décision.

En faisant la corrélation entre les valeurs de la Charte et les gains en amont, les réflexions suivantes ont été  entendues :

- Liberté se conjugue avec épanouissement ;

- Solidarité rime avec éducation et culture ;

- Solidarité se conjugue en termes de devoirs vis-à-vis de soi-même et des autres ;

- Justice se conjugue avec égalité et liberté ;

- Paix rime avec les autres valeurs de la charte.

La paix avec soi-même conduit à l’épanouissement de l’individu avec un rayonnement autour de soi.

Le cyclisme féminin

Il est des hommes et des femmes que l’on ne peut cerner qu’autour des activités sportives. L’éducation populaire ayant pour but de toucher le maximum de personnes là où elles se trouvent et autour de ce qui les intéresse, la MMF/ANBF a également initié une course cyclisme féminine.

L’activité a été réalisée comme prévu dans les 12 chefs lieux de régions avec le soutien technique des Directions Régionales des sports et loisirs.

L’initiative a été louée dans la mesure où cela a contribué  à encourager les femmes à la pratique du sport et a amélioré à n’en pas douter, leur santé physique.

Comme prévu, cette activité a également servi de cadre de sensibilisation. Les populations sorties nombreuses, qui par curiosité, qui pour encourager une parente, une amie…, ont été interpellées  sur les valeurs de la Charte, à travers une animation en langue locale avant le départ de la course et à l’arrivées des concurrentes.

Le plaidoyer musical

Un vaste plaidoyer a été mené à tous les niveaux afin que soit prise en compte et mise en pratique la Charte mondiale des Femmes pour l’Humanité dans le pays.

C’est ainsi qu’une chanson baptisée « HYMNE A LA FEMME » a été conçue sur les valeurs de la Charte.

Mise en « clip » et diffusée de façon intensive sur les antennes de la Radio Télévision du Burkina,  « l’Hymne à la Femme » a permis à de nombreux  téléspectateurs et auditeurs de découvrir le contenu de la Charte.

Pour joindre l’ « utile à l’agréable » une soirée culturelle a été organisée à chaque arrêt de la caravane. Ces soirées ont servi de cadre pour poursuivre le plaidoyer en faveur d’un mieux être de la femme.

Tantôt des chants qui magnifient la femme, et tantôt des interpellations de la femme sur le respect qu’elle doit à son corps et souvent une mise en garde du sexe dit « fort » sur les accusations peu fondées portées la plupart du temps sur les femmes.

Dans plusieurs régions, des femmes ont versé des larmes, tant les paroles des chansons correspondaient à leurs misères quotidiennes.

A la fin de chaque soirée, des hommes et des femmes ont pris la parole, pour saluer le passage de la caravane et remercier pour la soirée qui, en plus de les divertir, leur a permis de rentrer en eux-mêmes pour se remettre en cause.

La MMF/ANBF en initiant la Caravane Nationale pour l’Appropriation de la Charte Mondiale des Femmes pour l’Humanité avait pour objectif  de mener une éducation populaire. Elle a réussi son pari, car elle est allée vers les populations à la base.

Mieux, elle a réussi à impliquer les autorités, les leaders d’opinion et surtout les hommes de tous âges et de toutes conditions sociales dans une lutte initiée par des femmes, mais qui profitera à tous les membres de la communauté, à l’humanité.