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Rapport de la Marche mondiale des femmes en Grèce en 2005

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La marche de 2005, et surtout la marche a relais, était vraiment une idée géniale, qui a eu une dynamique toute particulière dans notre région. Elle a aidé à l'évolution de la Marche dans le sens de ce qu'on appelle « une action permanente, un réseau qui se caractérise par une continuité, un réseau qui essaie de s'enraciner dans les réalités locales des pays, un réseau qui veut créer des points forts et éventuellement des victoires. »

Comme nous savons, l'accueil de la Charte en Europe a été l'affaire du très dynamique mouvement féministe turc. A Istanbul, le 9 et le 10 mai, il y a eu deux journées d'activités internationales avec des participantes de Grèce, de Bulgarie, de Chypre et d'Azerbaïdjan. Après une manifestation très colorée et dynamique de 3000 femmes, féministes et syndicalistes venues de différents coins de Turquie, nous avons fait la fête toutes ensemble. Nous avons clôturé avec des discours antinationalistes et sur les droits des femmes, en soulignant le rôle que peut jouer la solidarité féministe pour la construction des ponts entre nos peuples, si longtemps « ennemis héréditaires » dans une région traumatisée par les guerres nationalistes, les « échanges de populations » et les nettoyages ethniques. Nous avons proposé aussi une politique de désarmement à nos pays respectifs. La rencontre des féministes turques et grecques a représenté une étape importante dans le processus de développement du réseau balkanique de la MMF, surtout pour l'avenir.

Ensuite, la Charte a été portée en Grèce par 50 femmes turques. Première étape : Thessalonique, capitale de la Grèce du nord, et proche des frontières turques et bulgares. Ici aussi, la presse, la population locale, les autorités ont été impressionnées par l'événement. Le 12 mai, manifestation de plusieurs centaines de femmes qui ont défilé dans les rues de Thessalonique, avec nos amies turques en tête, criant avec entrain notre envie de créer ensemble un autre monde. Jamais dans l'histoire des voix de femmes turques et grecques, manifestant ensemble, n'avaient résonné dans les rues de cette grande ville, très portée sur le nationalisme. Des mémoires enfouies de vies paisibles entre les deux peuples se sont réveillées. Des gens de la minorité turque en Grèce ont rejoint spontanément la manifestation. Plus tard, des amis nous affirmaient que si cette initiative avait été prise par des mouvements mixtes, on aurait eu des attaques de l'extrême droite et on aurait crié à la provocation….

Le meeting qui a suivi a mis l'accent sur les délocalisations et sur les rapports de solidarité entre les syndicats des deux côtés de la frontière gréco bulgare. En, effet, Thessalonique et toute la Grèce du Nord souffrent des délocalisations de son industrie vers la Bulgarie. L'industrie textile, très importante en Grèce du Nord, a perdu dans cette seule région, 45 000 emplois dont plus de la moitié concernent des travailleuses. De la seule ville de Thessalonique des dizaines d'usines ont été délocalisées vers la ville frontalière bulgare de Sadanski. Ces usines emploient 20 000 jeunes ouvrières bulgares, payées 3,5 euros par jour et travaillant dans des conditions exécrables.

En plus, Sadanski est la plaque tournante régionale de la traite des femmes, dont la plupart viennent des pays de l'Est. Un « marché » de femmes-esclaves sexuelles y prospère dans l'impunité la plus totale. Elles sont achetées parfois seulement pour 1000 euros chacune par des intermédiaires, qui les font entrer « illégalement » en Grèce, où elles sont revendues et achetées en moyenne trois fois, avant d'être considérées comme « non-rentables » par les réseaux des maquereaux.

La Charte a terminé sa traversée de la Grèce au port de Patras, où elle a pris le bateau pour l'Italie, accompagnée par une délégation des féministes de cette ville. Accueil chaleureux au port de Brindisi, et le lendemain manifestation assez imposante pour cette ville du sud italien qui n'avait jamais vu des centaines des féministes grecques et italiennes dénoncer la violence contre les femmes. C'était aussi une première qui laissera des traces...

- A Thessalonique, nous avons créé un comite d'initiative pour accueillir la Charte (jusqu'à lors nous existions seulement a Athènes). Nous avons collaboré et instauré des rapports de confiance avec le groupe de femmes de Thessalonique, des groupes de femmes de partis et organisations de gauche, l'union locale des syndicats de Thessalonique, le forum social, une liste communale de gauche. Ont soutenu aussi les objecteurs de consciences de toute l'Europe qui y avait leur congres.

- A Serres et a Patras on a créé de nouveaux groupes de femmes. Le groupe de Serres (ville a la frontière bulgare) a organisé le 16 Octobre, jour européen d'action contre la directive Bolkestein, les 24 heures de Solidarité féministe en recevant une délégation bulgare à la frontière greco-bulgare et en organisant à Serres un meeting commun. Le sujet de la rencontre était la lutte contre la création d'une zone franche entre la Bulgarie et la Grèce et le Non a la directive « Bolkenstein ». La délégation de la Bulgarie était composée d'une représentante de la marche bulgare et de plusieurs représentantes syndicaux (de la CGT bulgare, de la Fédération Syndicale des travailleurs du Textile, de l'Institut de recherches de la CGT, etc), des ONG, etc.

En somme, malgré la faiblesse initiale des forces féministes dans la région, le passage de la Charte par les Balkans a produit des résultats concrets très prometteurs pour l'avenir. Il a posé les bases pour la création d'un vrai réseau de la MMF en Turquie, en Grèce, à Chypre et en Bulgarie et surtout, il a commencé à jeter des ponts — même entre syndicats ! — dans une région mondialement connue pour ses nationalismes exacerbés, ses guerres et ses haines chauvines. Maintenant, on est en train de travailler avec l'Albanie et dans les prochains jours nous allons recevoir une délégation de 20 femmes de plusieurs groupes d'Albanie à Athènes.

Afin de situer et comprendre notre action en Grèce, il faut avoir en tête que le gouvernement de droite est en train de faire passer en quelques mois l'ensemble des réformes néolibérales dont l'introduction a pris plusieurs années dans les autres pays européens. Il s'agit d'une attaque frontale contre des droits élémentaires comme p.ex. le travail de huit heures qui vient d'ailleurs d'être aboli…

Sur les violences. En Grèce, à l'occasion de la journée internationale d'action contre les violences subites par les femmes, le 25 novembre, nous nous sommes mobilisées pour demander en priorité une législation contre la violence de genre, qui n'existe toujours pas en Grèce. Nous avons toujours une des législations les plus en retrait en Europe.

Pourtant la situation est devenue intenable. Les femmes en détresse ne sont pas aidées. Chaque jour les mass media grecques nous apprennent des nouveaux meurtres de femmes, extrêmement cruels. C'est ainsi que cette année, à l'occasion du 25 novembre, la coordination de la Marche Mondiale de Grèce avec d'autres groupes de femmes a organisé des actions qui ont pris l'allure d'une campagne au niveau national et coordonnée, ce qui est nouveau. Ceci est devenu possible à cause des forces accumulées grâce au travail de la campagne de la marche de 2005. Voici concrètement combien utile s'avère la Marche mondiale au niveau local

Des actions ont eu lieu à Corinthe, d'autres ont été organisées à Patras, Athènes, Thessalonique, Serres et en Crête à Ierapetra. A Athènes, au centre ville, dans certains quartiers et à l'université. L'affiche nationale a été signée par des groupes qui organisaient les diverses initiatives.

Quelques exemples des actions. Une marche des femmes a été organisée sur les lieux du crime a Corinthe, où une jeune femme a été assassinée par un soldat de 19 ans. Ceci est survenu tellement vite, en l'espace de quelques instants, dans les toilettes d'une cafétéria très fréquentée au cœur de la petite ville. L'assassin ne connaissait pas la victime, il l'a sauvagement rouée de coups jusqu'à la mort, parce qu'elle ne voulait pas « céder a ses avances». Les manifestantes sont venues de Patras, d'Athènes, de Egion, des villes parfois à 150 Km à la ronde. La manif, et sa préparation, ont été couvertes par 3-5 chaines TV et ont fait la une des journaux et créé un mouvement d'opinion.

Des marches ont eu lieu a Thessalonique le 22/11/05 (elle a revendiqué de la Mairie un centre d'accueil pour les femmes battues), le 25/11/05 a Patras, a Athènes, a Serres. En outre des « happenings », théâtres de rues mais aussi des meetings avec projections de films et discussions ont été organisées en Crête notamment et ailleurs.

Finalement a l'occasion du 25 novembre, le ministre de la Justice a présentée un projet de loi sur la violence a l'intérieur de la famille. Malheureusement, ce projet de loi ne cite même pas la violence de genre a l'encontre des femmes et ne libère nullement des financements pour créer des structures d'aide et d'éducation contre les violences. Il s'agit d'un leurre.

>Les femmes immigrées : Pour le 3 décembre « le réseau national des femmes émigrées en Grèce » organise une manif sous le mot d'ordre  « Non au racisme au berceau, légalisez nos enfants ! Des certificats de naissance pour les enfants des immigrées nés en Grèce ! Qu'ils soient enregistrés par les mairies! ». En effet, l'État grec refuse de reconnaître les enfants des immigrées, nés en Grèce. Il refuse de procurer des certificats de naissances. En somme une deuxième génération d'immigrés sont nés apatrides et sans- droits, une population entière qui naît exclue d'avance. C'est la première mobilisation de ce réseau et il a vu le jour avec l'aide de la Marche.

Comment travaille la Marche? La Marche travaille avec 16 groupes de femmes. Son noyau centrale permanent est compose d'une dizaine de femmes, issues de divers groupes. Ce noyau prend des initiatives concrètes et lance des initiatives sur des thèmes parfois très divers. Sur quoi nous créons des comites larges et collaborons avec des forces diverses selon les cas : les syndicats (le fémininisme n'existe presque pas dans les syndicats grecs), différentes organisations non gouvernementales, avec des mairies, des groupes d'organisations estudiantines, des groupes de voisinages etc. La marche est désormais connue.

Sonia Mitralias

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Last modified 2006-02-23 02:34 PM