Skip to content
Marche mondiale des femmes   Marche mondiale des femmes
Portal Languages

World March of Women

http://www.worldmarchofwomen.org/
Personal tools

Nawal El Saadawi (Egypte)

■ ■ ■

La Charte mondiale des femmes pour l’humanité: Vers une nouvelle identité

Dans le monde entier, la lutte des femmes a inspiré de nombreuses personnes et contribué de manière importante au progrès de l’humanité et aux connaissances et aux actions de l’humanité. 

Le féminisme (à mon avis) est un humanisme. Parce que c’est une lutte pour créer un monde meilleur pour la race humaine fondé sur l’égalité, la justice, la liberté et l’amour. Le féminisme n’est pas une invention occidentale. Il est enchâssé dans l’histoire de toutes les nations de l’Ouest, de l’Est, du Nord et du Sud.

Nous nous qualifions (dans notre Association des femmes arabes solidaires) de féministes historiques socialistes pour démontrer que nous sommes inspirées par notre histoire, par la lutte de nos mères et de nos grands-mères et que nous luttons contre les systèmes capitaliste et patriarcal dans nos pays et partout dans le monde. Le féminisme est un mouvement de résistance aux injustices globales et locales (glocales). Le féminisme tend à bâtir des relations de genre fondées sur une véritable égalité, qui respecte toutefois les différences, et qui lutte contre toutes les formes de discrimination à partir de l’unité familiale de base jusqu’au niveau multinational global.

Les droits des femmes sont des droits de la personne, ils sont universels et basés sur la justice et la liberté pour toutes et tous sans égard à la religion, le sexe, la classe, la race, la nationalité, la langue, la couleur, l’origine ethnique, les croyances, la profession ou d’autres facteurs. La lutte locale des femmes dans chaque pays peut être différente en raison des conditions locales particulières, mais l’objectif de cette lutte est le même: construire des relations entre les sexes fondées sur une véritable égalité. 

Le mot diversité peut être positif, lorsqu’il s’agit de comprendre les différentes luttes locales ou les différentes manières de combattre différents types d’oppressions locales et les façons de travailler ensemble globalement et de nous soutenir mutuellement en dépit de ces différences.

La diversité peut être négative si elle engendre des divisions entre nous.

Diviser pour régner est une arme utilisée contre les femmes et les pauvres par le système de classes patriarcal. Des nouveaux mots comme multiculturalisme de la diversité, multireligionisme, identité authentique, spécificité, relativisme culturel, etc., peuvent être positifs ou négatifs dépendant de comment et pourquoi ils sont utilisés. Le mot démocratie peut également être trompeur. Même le mot féminisme (ou droits des femmes) peut être utilisé contre les femmes.

Si nous nous rappelons que G. W. Bush a envahi l’Iraq avec le slogan « Libérons les femmes iraquiennes », nous pouvons comprendre combien ces mots peuvent être décevants. Aujourd’hui, les femmes iraquiennes luttent contre l’occupation étrangère, le néocolonialisme, la domination des hommes dans la famille et les fondamentalismes religieux.

Si l’on se fie au pseudo relativisme culturel, certaines féministes du Nord (ou de l’Ouest) peuvent être induites en erreur ou mal comprendre notre lutte dans le Moyen-Orient ou dans nos pays arabes. Je me souviens d’une féministe britannique célèbre qui faisait l’éloge du voile et de la circoncision féminine en déclarant que ces pratiques font partie de notre culture ou de notre identité authentique.

Certaines féministes du Nord pensent qu’il existe de nombreux féminismes différents dans différents pays. Nous devons comprendre ce qu’elles veulent dire par féminisme.

Lorsque nous avons fondé notre association féministe (l’Association des femmes arabes solidaires – AWSA) au Caire, en 1982, nous avons expliqué comment nous comprenions le féminisme. Nous avons fait le lien entre toutes les formes d’oppressions à tous les niveaux, et nous visions deux objectifs principaux: « dévoiler » les esprits et acquérir un pouvoir politique par le biais de l’unité et de la solidarité. 

L’Association comptait 35 % d’hommes parmi ses membres, qui luttaient à nos côtés contre le patriarcat et l’oppression de classe. Plusieurs femmes et hommes ont joint nos rangs, sans égard à leur identité (religion, nationalité, race, classe, sexe, profession, âge, langue, couleur, etc.).

Pour dévoiler les esprits, nous devons clarifier ce que nous voulons dire par féminisme ou féminismes, ce que nous voulons dire par identité. Nous devons démystifier le mot identité et d’autres mots semblables.

Nous devons lutter pour une identité humaine qui célèbre nos ressemblances humaines plutôt que nos particularités locales comme la religion, la nationalité, les différences ethniques ou raciales afin d’honorer notre féminisme humain commun et ne pas être divisées par un relativisme culturel ou religieux.

Nous devons comprendre qu’il n’existe pas d’identité pure, que nous sommes toutes et tous de sangs mêlés, d’identités mêlées, de cultures mêlées, de civilisations mêlées, etc.

L’identité pure est une oasis du racisme, du patriarcat et des oppressions nationales et de classes.

Nous ne pouvons pas comprendre le féminisme sans une pensée critique et sans une pensée créative. Nous devons défaire ce que le système d’éducation nous a inculqué et lutter contre la fragmentation du savoir dans les écoles et les universités pour abolir les dichotomies, les contradictions et les deux poids, deux mesures dans notre vie sociale et personnelle. « Le personnel est politique » est une idée féministe très importante qui a intégré différents domaines qui étaient séparés.

Nous vivons dans un seul monde (pas trois). Nous vivons dans l’ère néocoloniale, pas dans l’ère post-coloniale. Nous devons transformer le langage universitaire qui propage de fausses idées et voile notre esprit.

Le voile de l’esprit est plus dangereux que tout voile visible (le voile des religions traditionnelles ou le voile post-moderne).

Aujourd’hui, les femmes dans nos pays (et dans le monde entier) sont aux prises avec de nouvelles contradictions. Par exemple, en Égypte aujourd’hui, vous pouvez voir des jeunes femmes marchant dans la rue avec leurs cheveux couverts (le voile des religions) et portant du maquillage, du rouge à lèvres, des jeans serrés, et même exposant le haut de leur ventre, exposant leur nombril (selon la nouvelle mode) et se considérant comme des féministes.

Les femmes sont victimes des valeurs de classes patriarcales. Dans toutes les religions, en orient comme en occident, les femmes sont inférieures aux hommes. Dans toutes les religions, pas seulement l’Islam.

Pour des raisons politiques et néocoloniales, l’Islam est devenu la seule religion opprimant les femmes. Le féminisme doit être critique de toutes les religions et de toutes les valeurs familiales sacrées qui sont un héritage du système d’esclavage.

C’est pourquoi la Charte mondiale des femmes pour l’humanité est importante pour nous. Elle offre aux femmes un nouvel humanisme et une nouvelle identité.

Nawal El Saadawi, Le Caire, Égypte.

Copyrights : CC by-nc-sa 2.0
Last modified 2005-10-14 02:47 PM
This item is available in
English, Français, Español