Non aux bordels du Mondial (2)
Le Courrier de la Marche Mondiale des Femmes contre les Violences et la Pauvreté
N° 67–19 juin 2006
Bonjour, voici quelques textes, rendez-vous et communiqués concernant les droits des femmes, en espérant qu'ils vous seront utiles. Ceci est un bulletin de collecte d' informations, ce qui veut dire que nous ne sommes pas obligatoirement d'accord avec tout ce qui est écrit (sauf pour les communiqués signés Marche mondiale des Femmes).
Marche mondiale des femmes, tel 01 44 62 12 04; 06 80 63 95 25 Fax : 01 44 62 12 34, C/O SUD PTT, 25/27 rue des Envierges, 75020 Paris, Site : http ://www. marchemondiale.org.
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NUMERO SPECIAL 2 Coupe du monde de football
Non aux bordels du Mondial
1 - Projet Communiqué de presse unitaire
2 - La coupe de la honte de football - Un scandale qui en cache d autres
3 - Lettre de Gisèle Halimi à Angela Merkel
4 - Du Mur de Berlin, Au Baisodrome du Mondial de foot…
5 - Mondial 2006, "Acheter du sexe n’est pas un sport"
6 - Mondial 2006 : un mirage pour les prostituées africaines
7 - Au Parlement européenn, Franco Frattini et Anna Zaborska dénoncent l'attitude de la FIFA
1 - Projet Communiqué de presse unitaire
Ce projet de communiqué de presse est envoyé a toutes les associations et organisations qui ont signé le tract unitaire "Contre les bordels du Mondial". Veuillez nous faire savoir avant mercredi si vous êtes d accord pour le signer. Ce communiqué sera adressé en lettre ouverte à Jacques Chirac, Président de la République avec copie à Mme Vautrin et au SeDF. Pour voir l'affiche, faire sur google : affiches coupe du monde prostitution
Monsieur le Président de la République.
A l'occasion de la coupe du monde de football, en Allemagne, d'immenses affiches publicitaires font la promotion de la prostitution. Elles représentent une femme qui invite à se rendre dans les lieux prévus à cet effet. C'est une publicité qui détourne le slogan officiel : il n'est plus question de se faire des amis, mais de "se faire des petites amies". De plus, les jambes de cette femme sont en partie recouvertes par les drapeaux de tous les pays sélectionnés. La presse a précisé que ceux de l'Iran et de l'Arabie Séoudite avaient été masqués à leur demande.
Nous estimons que la présence du drapeau français cautionne la position réglementariste de la prostitution prise par l'Allemagne et les Pays-Bas en Europe. Or, notre pays a ratifié la Convention de l'ONU du 2 décembre 1949 qui affirme que la prostitution et la traite qui en découle sont incompatibles avec la dignité humaine. C'est pourquoi nous considérons que cette utilisation, inattendue et contestable, du drapeau français à des fins publicitaires est incompatible avec les valeurs et les engagements de la France. En outre, cette position abolitionniste a été réaffirmée à plusieurs reprises, avec force, par l'Etat français, lors des différentes conférences mondiales qui se sont tenues au cours des dernières années. Enfin, le message véhiculé par ces affiches constitue une promotion des positions réglementaristes qui affaiblit la position abolitionniste et, en particulier, celle de la France.
C'est pourquoi nous faisons appel à votre autorité de chef d'Etat pour que les engagements pris antérieurement par l'Etat français soient respectés. A cet effet, nous vous demandons de réaffirmer avec vigueur la position abolitionniste de la France et, par conséquent, d'intervenir pour que soit retiré le drapeau français.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, à l'expression de notre haute considération.
Premieres signatures (par ordre alphabétique) :
CADAC, CNDF, Collectif des Pratiques et de Réflexions Féministes « Ruptures, Coordination Francaise Marche
Mondiale des Femmes, Coordination lesbienne en France , C.P.L, Encore Féministes La Meute, Fédération SUD PTT, Maison des Femmes de Montreuil, Mouvement Jeunes Femmes, SOS Sexisme...
2 - La coupe de la honte de football - Un scandale qui en cache d'autres.
Article du Journal Le Devoir du mardi 6 juin 2006 par Milaine Alaric, étudiante, études des femmes, Université d'
Ottawa, Membre de la Collective des luttes pour l'abolition de la prostitution (CLAP) ; Martine Mercier Bachelière en sciences politiques, Université du Québec en Outaouais, Membre de la Collective des luttes pour l'abolition de la prostitution (CLAP) ; Richard Poulin Professeur de sociologie, Université d'Ottawa, Membre de la Collective des luttes pour l'abolition de la prostitution (CLAP)
De nos jours, tous les grands événements sportifs internationaux - Jeux olympiques, Coupe du monde de football, courses automobiles de Formule 1 - semblent produire une expansion de la prostitution et, par conséquent, de la traite à des fins de prostitution.
Déjà, à Athènes, en 2004, aux derniers Jeux olympiques d'été, la Ville s'apprêtait à autoriser 30 nouvelles maisons closes et à assouplir ses réglements pour permettre la traite à des fins de prostitution de 20 000 femmes pour répondre à l'accroissement de la demande attendu pendant l événement. La mobilisation internationale a mis un terme à ce projet, du moins à son aspect public.
En 2001, à la faveur du Grand Prix de la Formule 1 de Hongrie, pour bien desservir les touristes, les autorités ont l'égalisé la prostitution pendant les trois jours de l'événement. Pendant la course de Formule 1 à Montréal, la demande explose, et une migration de danseuses nues et de personnes prostituées de tout le pays, et sans doute d ailleurs, est organisée pour la satisfaire.
La traite des femmes et la Coupe du monde
En juin 2005, la presse populaire berlinoise, citant des experts, estime que près de 40 000 femmes pourraient être importées et mises sur le marché de la prostitution en Allemagne à l'occasion de l événement sportif. Un rapport du Conseil de l'Europe estime que de 30 000 a 60 000 femmes prostituées supplémentaires sont nécessaires pour répondre à la demande accrue : l'événement devrait attirer plusieurs millions de visiteurs en juin et en juillet. Selon un porte-parole de la police munichoise, il y a 2000 femmes prostituées dans la ville, et ce chiffre pourrait etre multiplié par trois pendant la Coupe du monde.
Dans les 12 villes où auront lieu des matchs ont été créés des bordels temporaires, des drive-in de sexe, des "cabanes du sexe" ressemblant a des toilettes appelées "cabines de prestation", etc. Le football et le sexe vont de pair, déclare l'avocat du mégabordel de 3000 m2, Artemis, pouvant accueillir 650 clients, et construit près du principal stade de la Coupe du monde à Berlin. Le client prostitueur paie un ticket d'entrée de 70 euros et les femmes prostituées doivent acquitter un droit d'entrée de 50 euros.
Selon la loi allemande, le patron d Artemis n est qu un loueur en meublés, non un proxénète. Entre les femmes
prostituées et lui, il n'y a qu un contrat de location. Dans la pratique, en Allemagne, seuls peuvent être poursuivis les gens qui seraient accusés dans d'autres pays de proxénétisme aggravé. Il faut alors qu il y ait dépôt d'une plainte et démonstration par la victime de la contrainte, de l'usage de la force, des menaces, du chantage, de la fraude ou d'un abus d'autorité.
Si c'est à la victime de fournir les preuves, il n'est pas difficile d'imaginer l'énormité des obstacles auxquels elle fait face en affrontant des réseaux proxénètes organisés et puissants. De plus, les victimes de la traite à des fins de prostitution risquent l'expulsion comme immigrantes illégales.
Condamner la prostitution forcée !
Dans une résolution, le Conseil de l'Europe a demandé au président de la Fédération internationale de football (FIFA), Joseph Blatter, de condamner la prostitution "forcée". Des associations et des politiciens ont lancé également une campagne, Ab pfiff (Coup de sifflet final), contre la traite et la prostitution forcées, exigeant des clients prostitueurs qu'ils s'informent auprès des personnes prostituées pour savoir si elles sont la volontairement ou non. Joseph Blatter lui même a exhorté les supporters à ne recourir qu'aux services de "volontaires".
L'alternative offerte au partisan de football, assimilé à un client potentiel, est parfaitement biscornue : prostituée forcée.
(Nein) ou volontaire (Ja) !
Pendant ce temps, la mairie de Berlin se prépare à distribuer 100 000 préservatifs et un tract en anglais édictant les dix règles de bonne conduite pour les supporteurs souhaitant se payer une personne prostituée.
L'autre scandale : la banalisation de la traite. L'impact international du scandale a obligé l'Etat fédéral allemand à retirer une brochure donnant des conseils à de jeunes Ukrainiennes désireuses d'exercer la prostitution en Allemagne.
Le Guide de voyage pour femmes, publié par un organisme dépendant du ministère fédéral de la Coopération, relève qu'il est possible de travailler légalement comme prostituée en Allemagne en évitant les pièges des passeurs et des proxénètes (tels que définis par la loi allemande). Mais, ajoute-t-il, cela ne vautmalheureusement que pour celles ayant les autorisations de séjour et de travail nécessaires, par exemple, après un mariage. La loi allemande permet en effet à un citoyen de mettre sur le marché de la prostitution son épouse et de vivre des fruits de sa prostitution. Il n est plus un proxénète au sens de la loi, mais un "entrepreneur". Tout un marché marital avec les "beautés slaves" et les "Asiatiques soumises" a été depuis développé comme moyen légal d'importer des femmes dans le dessein de les prostituer. Le même guide indique que pour éviter tout souci en entrant en Allemagne, il est préférable d'emprunter ce qu'on appelle la
frontière verte, c'est-à-dire les endroits sans poste-frontière. Publié pour la première fois en mars 2005, il a éveillé l'attention du ministère de l'Intérieur, lequel a jugé inopportun qu'une publication officielle encourage la prostitution et la traite peu avant le Mondial.
Devant la frénésie de la demande allemande, le gouvernement de Lettonie a lancé une campagne dont le but est de prévenir les jeunes filles des risques qu'elles courent à accepter des jobs de danseuse, d'hôtesse ou même de baby-sitter en Allemagne.
Légitimation de la prostitution
Depuis la légalisation de la prostitution et du proxénétisme en Allemagne, l'industrie du sexe a connu une croissance exponentielle. En 1998, on estimait à 200 000 le nombre des personnes prostituées; en mars 2006, les autorités du pays affirment qu'il y en a 400 000. Environ 75 % d entre elles sont d origine étrangère, victimes d'une traite qui est aussi bien légale qu'illégale.
L'actuelle campagne contre la prostitution "forcée" permet de légitimer la prostitution massive au pays, dite
"volontaire". La croissance forcenée de la prostitution dans ce pays met à mal le concept de prostitution "volontaire". Les centaines de milliers de personnes qui ont fait ce "choix" avaient-elles la possibilité de décider autrement ? Le scandale n'est peut-être pas la ou on croit - la traite de femmes pour cet évènement sportif - mais dans l'acceptation même de la marchandisation du corps de centaines de milliers de femmes pour le plaisir sexuel des hommes, le profit des proxénètes et les revenus en taxes et en impôts de l'un des principaux souteneurs d'Europe, l'Etat allemand.
3 - Lettre de Gisèle Halimi à Angela Merkel
Chère Angela Merkel, dans quelques jours, la Coupe du monde de football se déroulera dans douze villes
d'Allemagne. Pour les trois ou quatre millions de spectateurs presque exclusivement masculins, le pays d'accueil, le vôtre, a confié à des investisseurs le soin de construire, d'animer et de pourvoir un immense bordel, Artémis (du nom d'une déesse grecque de la virginité et de la chasteté). Des milliers de femmes y seront "importées" pour le soulagement - clean et distrayant (préservatifs, cabines de douche, piscine, sauna, ciné porno) - des sportifs et des supporteurs. Sur 3000 m2 et quatre étages, le corps des femmes y sera vendu, consommé. Au rythme le meilleur pour les grands profits des proxénètes. Une prostitution mondiale, organisée, taylorisée donc.
Des protestations vous parviennent chaque jour de tous les coins du monde. A vous, dont les femmes, toutes origines politiques confondues, ont fêté l élection, celle de la première femme chancelière d Allemagne. Bien
qu'engagée à gauche, je me suis personnellement et officiellement réjouie de cette avancée de pionnière dans une chasse gardée des hommes politiques. Choisir la cause des femmes, mouvement féministe indépendant des partis politiques, présidé dans le passé par Simone de Beauvoir, le professeur Jacques Monod, Prix Nobel de médecine, et aujourd hui moi-même, vous a transmis félicitations et espoirs. Espoirs que vous saurez, à ce poste, défendre les droits et la dignité des femmes. Or, au nom de la loi - la loi du 1er avril 2002 qui admet la prostitution dans votre pays -, vous avez refusé d'intervenir.
Puis-je vous rappeler, Angela Merkel, qu il existe des lois injustes, intolérables, et que le devoir éthique de tout citoyen, a fortiori ici de toute citoyenne, est de les combattre de toutes les manières ? Ce pourrait être, par exemple, une initiative de suspension limitée de la loi par un vote d'urgence au Parlement. En attendant que vous, femme et chancelière d'Allemagne, demandiez l'inscription d'un débat de fond pour abolir ce droit de cité de la prostitution et de la traite des êtres humains, droit indigne s'il en est...
Votre pays est signataire de la convention internationale contre la traite. Mais, dites-vous, le problème n est pas le même. Ecoutez donc les Nations unies (Fonds des Nations unies pour la population, FNUAP) : "Quatre millions de femmes et d'enfants sont victimes chaque année de la traite mondiale, dont 90 % aux fins de prostitution." N'y a-t-il pas dès lors une évidente hypocrisie à condamner l'une - la traite - et à permettre l'autre - la prostitution ?
Quand vous exigez, à juste titre, de la Chine qu'elle respecte les droits de l'homme, n'est-ce pas au nom de ces mêmes valeurs universelles qui protègent la personne humaine ? Les Nations unies encore : "La prostitution et la traite des êtres humains en vue de la prostitution sont incompatibles avec la dignité et les valeurs de la personne humaine." Vendre son sexe, est-ce ou non une atteinte à ces fameuses valeurs ?
Enfin, puisque loi il y a, pourquoi ne pas utiliser celle qui permet aux Länder (Etats fédéraux) d'interdire la prostitution en certains lieux et en certaines heures ? La municipalité de Berlin - à laquelle vous pourriez glisser un mot - peut agir. Jusque-là, elle a préféré prévoir une vaste distribution de préservatifs (100 000) et recommandé "la politesse" envers les prostituées, ces esclaves d'aujourd'hui.
Voyez-vous, Angela Merkel, tous vos projets d Europe auxquels vous vous arrimez ne sauraient être crédibles pour les femmes de nos pays si vous abandonnez l espace européen au profit du sexe et de l argent sale. Mais ce n est pas seulement d argent qu il s agit. Les femmes veulent sortir de cet esclavage moderne et attendent de vous une solidarité élémentaire à l égard des plus vulnérables.
Madame la chancelière, nous refusons de boire cette coupe (du monde) jusqu'à la lie. Agissez, s'il vous plait.
Gisèle Halimi est avocate, présidente de Choisir la cause des femmes
4 - Du Mur de Berlin au Baisodrome du Mondial de foot… Communiqué de presse de SOS Sexisme
Souvenons-nous de la 1ère "ouverture" du Mur, de celle qui permit à un grand nombre d'hommes de profiter des "bienfaits" des bordels de l'Ouest. Rappelons-nous combien la réunification des deux Allemagnes a été laborieuse, en partie conditionnée par la reconnaissance – ou non – des acquis des droits des femmes de RDA. Le problème de l’ IVG devint crucial, car l'avortement était libre à l'Est mais extrêmement difficile dans la RFA très religieuse où l'idéologie de "mère ou putain" imprimait les esprits. Pendant 2 ans les Allemandes de l'Ouest furent autorisées à se rendre à l'Est pour avorter, puis la législation globale redevint réactionnaire pour toutes.
Nous croyions que Madame Angela Merkel, élevée dans un système qui instituait l'égalité entre les femmes et les hommes, aurait pour priorité d'oeuvrer pour les droits des femmes. Nous espérions qu'elle lutterait contre la réglementation de la prostitution en Allemagne, où les maisons closes sont devenues depuis 2002 des entreprises, les proxénètes, des employeurs respectables, et les profiteurs de "services sexuels ", des clients comme les autres; qu'elle serait choquée à l’idée que l'on autorise des transactions aussi ignobles que l'achat, la soumission, la dégradation et l'avilissement d'un être humain, dont la dignité est bafouée et les droits humains sont niés; qu'elle dénoncerait, avec vigueur, cet esclavage moderne qui réduit les femmes à un assemblage d' orifices, « bouche-vagin-anus », que n'importe quel homme a le droit de consommer; qu'elle désapprouverait la construction, en 2006, d’une "unité de vidange de sperme" de 3000 mètres carrés à proximité du plus grand complexe sportif, ainsi que des nombreuses autres "cabines de prestation" disséminées dans la ville de Berlin.
Nous imaginions que le mot SORORITE n'était pas vain pour elle ; qu'elle se sentirait solidaire des 50000 futures victimes qui vont être capturées et importées d'Europe centrale et d’Europe de l'Est pour la satisfaction des délires pornographiques, sexuels et sexistes, des viandards du football et de leurs fans !
Celles et ceux qui combattent pour une réelle égalité des sexes, qui ne peut se définir que dans le respect mutuel, s'interrogent sur l'avancée que constitue - pour les Allemandes et pour les femmes du monde - la promotion de Madame Merkel à un poste de responsabilité d'où elle cautionne le système patriarcal machiste, dont la marchandisation du corps des femmes dans le cadre de la mondialisation de l’économie de marché traduit l’apogée.
Docteure Michèle Dayras ,Présidente de SOS SEXISME.
5 - Mondial 2006, "Acheter du sexe n’est pas un sport", communiqué de presse de Laurence Rossignol pour le Parti socialiste
Durant la Coupe du Monde de Football, se tiendra dès aujourd hui en Allemagne, un gigantesque complexe
prostitutionnel, un "méga bordel" pouvant accueillir 650 "clients" en même temps, ouvrira, en toute légalité, en bordure du principal stade de la Coupe du Monde. Pour maximiser les bénéfices, les entrepreneurs proxénètes organisent "l’importation" de dizaines de milliers de femmes, majoritairement issues des pays pauvres.
C'est ainsi l'exploitation sexuelle de milliers de femmes qui est organisée officiellement, avalisant l'idée que le corps des femmes est une marchandise pouvant être achetée et vendue, un "produit dérivé" dernier cri, après les peluches , les porte-clefs ou les tee-shirt. Cette traite légalisée des êtres humains génère d'énormes profits pour les exploiteurs.
Le Parti socialiste, engagé dans toutes les batailles pour l'égalité et la dignité des êtres humains, sera donc au premier plan de cette mobilisation. Un premier pas est franchi dans cette direction par le projet des socialistes : il y est prévu d’examiner la responsabilité des clients dans le cadre de la lutte contre le proxénétisme. Cet engagement à agir sur la "demande" permettra de poser les jalons d'une politique d'éducation et de prévention, pour lutter contre le développement du "marché des services sexuels", véritable cache–sexe de l’esclavage moderne.
Laurence ROSSIGNOL, Secrétaire nationale aux droits des femmes et à la parité
6 - Mondial 2006 : un mirage pour les prostituées africaines, Entretien avec Amely James Koh-Bela jeudi 8 juin 2006, par Falila Gbadamassi
L'édition 2006 de la Coupe du monde démarre ce vendredi en Allemagne. Si cet événement est une fête pour les amoureux du ballon rond, elle le sera aussi pour l'industrie de la prostitution, au détriment des prostituées étrangères qui sont dans leur grande majorité des victimes du trafic d'êtres humains. Amely James Koh-Bela, spécialiste des filières africaines de la prostitution en Europe, revient sur le cas des Africaines.
Depuis 2002, la prostitution est légale en Allemagne. Cette situation, conjuguée avec l'intéret que représente pour les acteurs de cette industrie les grands événements sportifs, fait de la Coupe du monde 2006 une réelle menace pour les femmes et les enfants victimes du trafic des êtres humains. Lundi encore, les Etats-Unis appelaient l'Allemagne à faire preuve de vigilance. "Selon certaines informations, des milliers de femmes seraient acheminées en Allemagne pour (la prostitution) pendant la Coupe du Monde et toutes les études et données disponibles montrent que, quand il y a de grands mouvements de femmes organisés dans un but sexuel, il y a trafic, il y a un lien entre la prostitution et le trafic (d'êtres humains)", a indiqué John Miller, le conseiller de la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice en charge du dossier du trafic humain. De même, pour les spécialistes comme Richard Poulin, professeur de sociologie a l Université d Ottawa, la légalisation va de pair avec une hausse du trafic des êtres humains.
Dans un article qu'il a coécrit et qui a été publié début juin, il constate que sur les 400 000 prostituées répertoriées en mars 2006 en Allemagne, "environ 75 % d’entre elles sont d'origine étrangère, victimes d une traite qui est aussi bien légale qu'illégale ».
Afrik.com : Pourquoi cette coupe du monde 2006 en Allemagne représente un véritable danger pour les prostituées africaines ?
Amely James Koh-Bela : Lors de la dernière Coupe du monde, le trafic avait déjà pris une grande ampleur mais les Africaines ne suscitaient pas autant d'intéret qu'aujourd’hui. Au Japon et en Corée, il n'y a pas de bordels à ciel ouvert comme en Allemagne. Ce Mondial est dangereux dans la mesure ou les proxénètes ont fait passer dans tout le continent un message disant que " l’Allemagne est l'un des pays ou la prostitution est acceptée, qui aime la prostitution et qui l'a légalisée. Et qu'on peut donc y travailler tranquillement, il n'y a pas de problème". Bien au contraire ! L' Allemagne appartient à l'espace Schengen et les politiques d'immigration sont exactement les mêmes que dans les autres pays européens. Les filles sont arrivées en pensant qu'elles pourront exercer sans être pourchassées, comme en France par exemple. Elles veulent toutes aller en Allemagne en croyant qu'avec la libre circulation, le marché européen leur sera entièrement ouvert. L’Allemagne va également servir de zone de transit vers le Moyen-Orient et l'Asie - Singapour, Taiwan, Hong-Kong -, des marchés en plein boom. Des pays comme les Emirats arabes unis, le Yémen, le Koweït ou encore l'Arabie Saoudite voient le nombre de prostituées africaines s’accroitre chaque année en moyenne de 20 %.
Afrik.com : Comment les proxénètes profitent de cet intérêt ?
Amely James Koh-Bela : Ils ont et font rentrer le maximum de filles en un temps record. A cause de la Coupe, les procédures pour l obtention d'un visa sont plus souples afin de permettre au maximum de supporters d'assister aux matchs.
Afrik.com : Les autorités allemandes n’ont rien fait pour endiguer ce flux ?
Amely James Koh-Bela : Les autorités allemandes n'ont quasiment rien fait contre cela. Elles disent seulement
qu'après le Mondial, il y aura un contrôle renforcé en ce qui concerne l'immigration. Mais les filles seront déjà là ! Notamment celle de la filière africaine dont je leur parle. Elles ne seront pas dans les rues. Elles sont dans les maisons et les Allemands ne pourront jamais leur "mettre la main dessus" s il n’y a pas délation. Les Africaines sont celles qu'on verra le moins dans les rues. On ne pourra pas démanteler ces réseaux-là !
Afrik.com : En somme, ce qui fait la dangerosité de cette Coupe du monde est le fait que la prostitution soit légale en Allemagne ?
Amely James Koh-Bela : Absolument. Les associations pro prostitution ont fait leur publicité en disant qu on allait construire des " Eros centers" pour 50 000 prostituées. Cela a été comme un appel d'air. Le même phénomène a été constaté lors des Jeux olympiques d'Athènes. Résultat : les Grecs sont actuellement dépassés. On me demande de m'y rendre chaque semaine. Mais pour aller faire quoi ? Ils ont des prostituées africaines partout et ils ne savent plus où les mettre. Ils sont dépassés et pour y faire face, ils sont en train de mettre en place des lois.
Afrik.com : Vous avez des chiffres sur le nombre de femmes prostituées d'origine africaine que l'on retrouvera en Allemagne pendant la Coupe du monde ?
Amely James Koh-Bela : Ce sont des dizaines de milliers qui sont concernées, mais je n'ai pas de chiffres précis bien qu'ayant demandé l'aide d’associations sur place. Le pire dans tout cela, c’ est que de nouvelles nationalités vont faire leur apparition en Europe. Comme les Sénégalaises, les Gabonaises, les Nigériennes, les Togolaises... qui avaient l'habitude de travailler chez elles ou dans la sous-région. Au Sénégal, il y a une telle demande sur place que les filles n'avaient pas besoin de se prostituer en Europe, mais il y aujourd hui des prostituées originaires de ce pays qui sont arrivées en Allemagne via la Libye.
Afrik.com : Y-avait-il auparavant beaucoup de prostituées noires en Allemagne ?
Amely James Koh-Bela : Il y en avait déjà pas mal. Néanmoins, le racisme fait qu'on les retrouve plutôt le long de la Méditerranée : Espagne, France, Portugal, Grèce, Italie... Les prostituées noires sont localisées en Allemagne dans des endroits où elles ne risquent pas d'être importunées. Cependant, il n y a pas, comme en France, de la prostitution dans les appartements car les voisins sont plus vigilants. En arrivant maintenant en masse, elles vont casser le marché et travailler, pour leur grande majorité, dans des sex-shops, dans la pornographie, surtout les pornographies difficiles car ce sont les plus demandées. Il n'en demeure pas moins que même si le travail est légal, elles sont sans-papiers.
Afrik.com : Comme la majorité des femmes étrangères qui travaillent dans la prostitution en Allemagne...
Amely James Koh-Bela : Les autorités allemandes en sont conscientes mais, tant qu'elles prélèvent les redevances qui leur sont dues, elles ne les harcèlent pas.
Afrik.com : Avez-vous constaté une activité particulière dans certains pays africains à cause du Mondial ? Le Cameroun sera-t-il par exemple, compte-tenu de ses liens historiques avec l Allemagne, plus représenté que les autres ?
Amely James Koh-Bela : Le Cameroun sera certainement le pays dont seront originaires une grande partie des
prostituées africaines présentes sur le territoire allemand.
Afrik.com : Les campagnes en Europe, dont celle contre contre la prostitution "forcée" en Allemagne, ont-elle eu, selon vous, un impact sur le phénomène ?
Amely James Koh-Bela : Dans leur ensemble, elles n'ont eu aucun effet, car les proxénètes s'y sont pris bien avant pour effectuer le recrutement, c'est-à-dire qu ils ont fait rentrer les filles depuis six ou sept mois. Ils ont même, concernant la France, envoyé les prostituées de luxe, qui exercent pendant la saison estivale à Saint-Tropez et dans les environs, en Allemagne.
Afrik.com : Quel est le message que vous souhaitez faire passer à la veille de cette Coupe ?
Amely James Koh-Bela : Les filles doivent avant tout comprendre que même si la prostitution est légale en Allemagne, l'Europe a décidé pour sa part de combattre le trafic des êtres humains sur son territoire et tous les pays vont s'y mettre. Elles ne sont donc pas à l'abri. Je leur conseille d'arrêter d'investir dans les faux visas et dans les réseaux clandestins d'immigration, car c'est du temps perdu ! Ces 3 000, 5 000 euros peuvent déja permettre de débuter une activité sur place.
De plus, ces politiques qui seront hyper agressives - ce n'est rien comparé à ce qui se fait en France - vont les enfoncer dans la clandestinité et les associations, dont elles ont les noms et qui ont l'habitude de les aider, ne pourront plus intervenir parce qu'on ne saura même pas où elles sont. Une situation dont les proxénètes vont profiter : ils deviennent ainsi plus puissants, plus exigeants et plus violents. Et personne ne peut contrôler a.
De plus, les proxénètes n'ont absolument pas l'intention de les laisser en Allemagne, elles vont plutôt se retrouver au Moyen-Orient et en Asie. En somme, elles sont de plus en plus en danger : clandestinité, violence et parfois la mort au bout.
7 - Au Parlement européen, Franco Frattini et Anna Zaborska dénoncent l'attitude de la FIFA (13/06/06)
Le Commissaire européen chargé de la Justice et des Affaires intérieures, Franco Frattini, a déploré lundi soir à
Strasbourg le manque de coopération de la Fédération internationale de football (FIFA) dans la lutte contre la prostitution forcée en marge du Mondial 2006 de football qui a démarré en Allemagne. Devant le Parlement européen, M. Frattini a déploré " la froideur de la FIFA" lorsque la Commission lui a demandé de" mettre des informations concrètes" sur son site pour sensibiliser le public au problème. Avant lui, la présidente de la commission des droits de la Femme, Anna Zaborska (PPE-DE, slovaque), a aussi regretté que le président de la FIFA, Joseph Blatter, n'ait pas donné son " soutien à la condamnation de la prostitution forcée à l occasion de la Coupe du monde de football ". Suite au séminaire organisé en mars à l'occasion de la Journée internationale de la femme (EUROPE N°9148) et à la résolution du PE en vue de s'attaquer au problème aigu de l exploitation sexuelle des femmes en marge des grands évènements sportifs (EUROPE N°9152), Franco Frattini a répondu à plusieurs questions précises posées par Anna Zaborska et d'autres députés sur les actions immédiates et futures en vue de s'attaquer à ce fléau.
Dans le cadre de la Coupe mondiale en Allemagne, M. Frattini a annoncé qu'un certain nombre d'initiatives avaient été mises en oeuvre pour lutter contre ce qu'il considère être " une forme d'esclavage moderne". Selon lui, l'Allemagne a pris des dispositions pour contrôler de manière "approfondie" ses frontières, notamment orientales. En exemple, il a cité le blocage aux frontières de "centaines de personnes" disposant de fausses déclarations de séjour et qui en réalité venaient en Allemagne de manière forcée en vue de se prostituer. "
Nous nous sommes assurés que des campagnes d'information et de prévention soient organisées ", a également déclaré le Commissaire, soulignant au passage le rôle d'Europol, qui a produit un document d'analyse de manière à fournir des " informations concrètes aux différentes polices "durant le Mondial". C'est aussi la première fois que nous avons impliqué les consulats (des Etats membres) dans les pays d'origine" de la traite des êtres humains, s'est réjoui M. Frattini.
Répondant à la Britannique Elisabeth Lynne (ALDE) sur l'importance de ne pas traiter les victimes de la prostitution en criminelles, M. Frattini a reconnu qu'il fallait nécessairement opérer "une différence" de traitement entre les victimes de la traite et les personnes qui immigrent en Europe. Sur la "valorisation du travail des ONG" réclamée par l'Italienne Pia Elda Locatelli (PSE, italienne), M. Frattini a évoqué l'association allemande "Solwodi" qui a mis en place des numéros de téléphone accessibles durant toute la période de la Coupe du Monde.
L'Autrichienne Christa Prets (PSE) a remarqué que "beaucoup d'éléments positifs" figuraient parmi les mesures évoquées par le Commissaire, rappelant toutefois que de telles initiatives ne " doivent pas se limiter à ce seul événement ". Et l'Allemande Hiltrud Breyer (Verte) de poursuivre: " ce doit être le coup de sifflet pour l'ensemble des compétitions sportives ". Sur ce point, M. Frattini a annoncé qu'après le Mondial, un " manuel" de conduite serait rédigé en vue des prochains événements de grande ampleur, qu'ils soient sportifs, culturels ou autres. Mme Zaborska a particulièrement insisté sur la nécessité "d'analyser" le rôle des hommes sur le développement de la prostitution. Franco Frattini lui a promis qu'une étude d'impact serait réalisée en 2006 sur le facteur de " la demande". Le Commissaire a aussi évoqué la possibilité de créer "une ligne téléphonique de secours" européenne grâce au budget 2007, à l'image de celle qui doit être mise en place pour signaler les disparitions d' enfants EUROPE N°9200).
Enfin, il s'est dit favorable à une "Journée européenne" dédiée à la lutte contre ce phénomène et pour laquelle il faudra encore trouver une date. Les députés de la Gauche unitaire européenne (GUE/NGL) n'ont pas pu cacher leur amertume face aux mesures énoncées pour lutter contre l'exploitation sexuelle des femmes et des enfants. " De nombreuses propositions de la Commission sont restées lettre morte »" regrette Eva-Britt Svensson (Suédoise), invitant M. Frattini à regarder "les bordels qui fleurissent près des stades". Pour elle, la seule façon de lutter efficacement contre ce problème est "d'éliminer la demande", en la criminalisant (comme en Suède: NDLR). Sa collègue portugaise, Ilda Figueiredo n'a pas hésité à parler de véritable "attentat contre l'être humain ", notamment à la vue du Club Artemis à Berlin qui peut héberger soixante-dix prostituées, dans une soixantaine de chambres sur quatre étages. " On n'a pas pris toutes les mesures " a-t-elle renchéri, demandant instamment à la Commission de "réexaminer la promotion des services publics tels que la santé ou l'éducation afin d' éradiquer les causes de la prostitution". Situant le débat dans le contexte plus global de la relance européenne, la Slovaque Edit Bauer (PPE-DE) a estimé que le manque d action visible au niveau de la citoyenneté européenne "affaiblit le plan D de la Commission européenne" qui propose justement d'impliquer les citoyens dans des projets concrets pour combler le fossé existant entre eux et les institutions. De nombreuses ONG allemandes et internationales estiment à 40 000 le nombre de femmes qui ont été "importées" à l'occasion de la Coupe du monde en Allemagne.
Last modified 2006-06-19 04:57 PM