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CONFÉRENCE SUR LE TRAFIC SEXUEL ET LE MARCHÉ DU SEXE

ACFAS, 11 mai 2004. Présentation de Diane Matte, coordinatrice du Secrétariat international de la Marche mondiale des femmes.
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CONFÉRENCE SUR LE TRAFIC SEXUEL ET LE MARCHÉ DU SEXE

ACFAS, 11 mai 2004

Présentation de 10 minutes - Diane Matte

Émigration et trafic sexuel : un débat polarisé dans le mouvement des femmes

Je ne prétendrai pas faire ici l'historique du débat entourant la question de la prostitution et du trafic sexuel dans le mouvement des femmes sur la scène internationale. En 10 minutes, cela serait risqué et un peu trop schématique. Cependant, dans le temps qui m'est imparti, je veux vous faire part de mes constats et réflexions sur l'état actuel du débat sur la scène mondiale.

Depuis l'entrée en scène de la Convention sur le crime transnational des Nations Unies et son protocole concernant l'éradication du trafic sexuel des femmes et des fillettes, on voit encore se dessiner deux façons d'appréhender le travail à faire pour mettre ce protocole en application. En voici un exemple :

J'assistais récemment à une conférence internationale d'un réseau de fondations féministes où des femmes de la Global Alliance Against Trafficking in Women ont organisé un atelier s'intitulant : Le trafic sexuel mondial : stratégies de financement et nouvelles compréhensions du phénomène. Elles prévenaient les fondations qu'il était important à l'heure actuelle de refuser de financer des projets travaillant contre le trafic sexuel parce que : il n'y avait pas suffisamment de garantie que ces projets protégeaient réellement les femmes souhaitant traverser les frontières pour vendre leurs services sexuels; parce qu'on ne pouvait démontrer qu'il y avait un impact direct pour stopper le trafic sexuel. Il y a bien eu une diminution du trafic dans le sud-est de l'Europe mais on ne peut savoir si c'est une diminution réelle ou si les femmes sont tout simplement encore plus dans les réseaux clandestins. Ces femmes affirmaient que l'on doit cesser de parler de prostitution et travailler plutôt sur les causes de la pauvreté des femmes qui les poussent à s'embarquer dans le trafic. Il faut faire de la prévention. Les véritables problèmes auxquels sont confrontées les femmes sont ceux de la libre circulation, de lois du travail restrictives et les processus d'immigration de plus en plus contraignant. Cela me paraissait raisonnable.

Il est vrai que les gouvernements qui se sont attaqués au trafic sexuel l'ont souvent fait en resserrant les critères pour entrer dans le pays ou en déportant les femmes qui ont été appréhendées dans des réseaux de prostitution ou de trafic. Par exemple, la situation des 90 femmes chinoises arrivées au Canada par bateau à Vancouver en 1999 qui ont été emprisonnées, puis relâchées et certaines déportées mais plusieurs ont tout simplement disparues sans laisser de trace. Il n'y avait aucune condition en place pour rassurer ces femmes qu'en dénonçant leur trafiquant elles amélioreraient leur sort, au contraire.

J'en étais là dans mes réflexions lorsque j'ai réalisé…un instant qu'est-ce qui ne fonctionne pas dans ce portrait. Peut-être le fait qu'une travailleuse du sexe de Toronto faisait une intervention pour essayer de nous prévenir du fait que même lorsqu'il y a apparence de coercition, il nous faut regarder deux fois. Par exemple, une femme qui ne sort pas de sa chambre d'hôtel et fait des passes à répétition, c'est peut-être parce qu'elle a peur de sortir dans le quartier. Si une femme a décidé d'aller se prostituer volontairement dans un autre pays c'est peut-être parce qu'elle ne veut pas qu'on sache quel métier elle pratique et elle a dû utiliser les services d'un trafiquant parce que les lois de l'immigration ne lui permette pas de demander un permis de travail pour se prostituer. Elle décrivait le trafic sexuel des femmes comme une situation où le travail sexuel des femmes est exploité.

On m'avait dit de ne plus amalgamer prostitution et trafic sexuel parce que cela nuisait à la compréhension du phénomène et là on voulait me faire comprendre qu'il fallait arrêter de travailler sur la question du trafic sexuel parce qu'il y a une majorité de femmes pour qui se prostituer est un choix, que certaines doivent le faire en s'exilant et qu'il ne faut pas limiter leur choix.

Et là j'ai décroché…et je me suis souvenue pourquoi je n'étais pas d'accord avec le raisonnement des groupes de défense des travailleuses du sexe. Elles ne parlent jamais de l'industrie du sexe et de ses intérêts. Sans parler évidemment des clients. Il n'y aurait qu'une seule solution pour rendre les travailleuses du sexe plus en sécurité, moins vulnérable à la violence, c'est en créant un vide juridique et en se fiant aux lois du marché. On présente souvent le débat en faisant valoir que l'on doit reconnaître aux femmes dans la prostitution le droit d'être leur propre agente (women's agency) et qu'on arrête de les traiter en enfant (entendre victime) en affirmant que la prostitution fait partie d'un continuum d'appropriation du corps des femmes dans nos sociétés patriarcales. C'est aux femmes de décider…

Redonner le pouvoir aux femmes de décider par et pour elles-mêmes, c'est aussi ce que des millions de féministes visent à travers la planète. Et c'est ainsi que plusieurs préfèrent ne plus parler de prostitution ou de trafic. Être contre l'industrie du sexe équivaut présentement dans certains milieux à être contre le droit des femmes de décider.

Pourtant cette industrie est en pleine croissance.

  • Il est estimé qu'elle génère des revenus « renouvelables » de près de 7 milliards de $US par année. C'est la 3e source de revenus pour le crime organisé après la drogue et les armes.

  • La Rapporteur spéciale sur la question de la violence envers les femmes a estimé dans un rapport qu'il y a jusqu'à 4 millions de femmes et fillettes trafiquées par année. De ce nombre, il n'est pas indiqué combien le sont pour des fins de prostitution mais on sait qu'une majorité de femmes trafiquées subissent une forme ou une autre d'exploitation sexuelle

  • En Australie, après la légalisation, les clients du casino peuvent utiliser leurs jetons dans les machines à sous et dans les bordels.

  • Aux Pays Bas, durant la dernière décennie avec la décriminalisation des bordels et la légalisation des pimps, l'industrie du sexe a augmenté de 25%. 80% des femmes prostituées aux Pays Bas proviennent de l'extérieur du pays.

  • La Commission des droits de la personne des Nations Unies vient de créer un poste de rapporteur spécial sur le trafic

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Last modified 2006-04-24 04:51 PM