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Florence Montreynaud (France)

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2005, Une Charte pour réclamer « du pain et des roses »

Immense action pacifique, événement sans précédent, la Marche mondiale des femmes contre la pauvreté et les violences inscrit sa vision du monde à venir dans la Charte mondiale des femmes pour l’humanité.

En 1995, des milliers de manifestantes québécoises ont marché pour réclamer « du pain pour vivre, des roses pour avoir des raisons de vivre ». Avec ce même objectif, avec celui aussi de lutter contre la violence à l’égard des femmes, des millions de manifestantes se sont mises en marche, à partir du 8  mars 2000, dans les rues et sur les routes des cinq continents. La Marche mondiale des femmes contre la pauvreté et les violences a culminé le 17 octobre 2000, Journée internationale pour l¹élimination de la pauvreté, avec un grand rassemblement à New York, devant les Nations unies.

Les responsables y ont déposé des millions de signatures recueillies et ont rencontré la vice-secrétaire générale de l’ONU, Louise Fréchette. « Nous partageons la Terre, disent des Marocaines, partageons ses biens ! » Leur ambition à toutes : changer le monde.

Cette ambition n’a pas changé. C’est pourquoi cette année, la Marche agit pour faire connaître la Charte mondiale des femmes pour l’humanité, texte adopté à la fin de l’année 2004. Cette Charte était une nécessité pour les féministes de ce monde qui luttent pour l’égalité, la liberté, la justice, la solidarité, la paix dans un monde qui est de plus en plus inégalitaire.

Aujourd’hui, dans le monde entier, des femmes continuent de marcher pour demander aux États « d¹adopter des stratégies en vue d¹éliminer la pauvreté, de garantir les droits des femmes à l¹autonomie économique et sociale, de promouvoir le partage équitable des responsabilités familiales ». Elles veulent l¹annulation de la dette du tiers monde, avec l¹assurance que « l¹argent dégagé servira aux plus pauvres ». Elles en appellent à un nouveau système financier « fondé sur une répartition équitable des richesses de la planète et sur la justice sociale ». Changer le monde !

Partout, de l¹Indonésie à l¹Afrique en proie au sida et à l¹Amérique latine déchirée par la violence, la misère s¹accroît. Les 20 % des humains les plus riches consomment 86 % de l¹ensemble des biens et services, et les 5 % les plus pauvres 1,3 % seulement. La faim ­ « affront à la face d¹une humanité de plus en plus riche », dit Sylvie Brunel de l¹association Action contre la faim ­ fait souffrir 20 % de l¹humanité, en majorité des enfants de moins de cinq ans, des filles surtout ; des femmes en âge de procréer, notamment des femmes enceintes et d¹autres qui allaitent ; des foyers à faibles revenus, dirigés presque toujours par une mère. Chez les pauvres de l¹Inde du Nord, 21 % des filles souffrent de malnutrition sévère contre 3 % des garçons. Si la Grameen Bank reste un modèle de lutte contre la pauvreté, les stratèges des politiques alimentaires continuent à négliger le rôle central des femmes dans les cultures vivrières, et le génie agricole persiste à faire fi des compétences des paysannes.

La mondialisation de l¹économie n¹a pas fait prendre conscience à tous que l¹humanité est une et que les droits humains sont universels. Le président de l¹industrie textile de Rhénanie du Nord imagine l¹usine de l¹an 2000 comme « un navire qui jettera l¹ancre là où les salaires sont les plus bas ». La division internationale du travail a fait s¹implanter dans le tiers monde 3000 zones franches dans 116 pays (chiffre de 2002 employant quelque 37 millions de personnes.

Comment faire changer ? Par la justice : en 1999, un procès est intenté au nom de 50 000 immigrés, des Chinoises en majorité, traitées comme des esclaves dans des usines de confection de Saipan, un territoire américain des îles Mariannes. Par le pouvoir des consommateurs : chaque personne peut favoriser un « commerce équitable » en choisissant d¹acheter des biens produits dans des conditions dignes. Par des pressions pour que soient adoptées des normes sociales internationalesŠ

En Occident, le travail des féministes a permis de mieux connaître la violence masculine, notamment sexuelle, exercée sur les femmes. Des enquêtes ont montré qu¹une femme sur trois a été agressée sexuellement dans son enfance ; une femme sur quatre est harcelée au travail et, dans 95 % des cas, c¹est elle qui démissionne et non le harceleur ; une femme sur dix subit de graves violences causées par son mari ou compagnon. Il reste à cerner les agressions et les viols collectifs à l¹école, depuis le primaire jusqu¹aux bizutages étudiants ; les viols d¹enfants par inceste, qui sont toujours le secret le mieux défendu ; la maltraitance des personnes âgées par des proches ou dans des institutions ; l¹oppression des femmes handicapées, aux droits bafoués. Il faudra encore bien des campagnes pour en finir tant avec la culpabilisation des victimes, réduites au silence par la honte et par la peur, qu¹avec l¹impunité des agresseurs, souvent sans remords ; pour en finir avec la complaisance envers la pornographie, avec le consensus qui protège encore trop de pères incestueux, de maris brutaux et de clients de la prostitution.

La prise de conscience de la violence contre les femmes, sa condamnation et sa répression sont des faits tout récents à l¹échelle historique, et la prévention commence à peine. Les pays nordiques mènent depuis longtemps des actions exemplaires. Au Canada, depuis le massacre à Polytechnique en 1989, des hommes arborent un ruban blanc signifiant leur refus de la violence contre les femmes, symbole repris aussi par des féministes.

Dans un monde où l¹ordre social reste fondé sur la domination masculine, cette violence bafoue les droits humains. Du pain, des roses et un avenir non sexiste, avec plus de respect et d¹humanisme, tel que décrit dans la Charte mondiale des femmes pour l’humanité. Un monde changé, un monde de paix.


Florence Montreynaud, 57 ans, historienne française, féministe engagée depuis 1970. Elle est l’auteure de a Le XXe Siècle des femmes  (Nathan, 2001) : une encyclopédie racontant le siècle de la libération des femmes, année après année, du point de vue des femmes. Elle a publié 13 autres livres, parmi lesquels Appeler une chatte. Mots et plaisirs du sexe. (Calmann-Lévy, 2004 ; en poche, Payot, 2005) : l¹histoire des mots désignant les organes sexuels dans les langues occidentales.

Le féminisme n¹a jamais tué personne (éd. Fidès, Montréal, et Musée de la civilisation, Québec, 2004) : Contre le machisme meurtrier, la révolution pacifique du féminisme. Elle a inventé le nom Chiennes de garde et lancé le mouvement féministe du
même nom en 1999. Elle anime deux autres réseaux féministes, mixtes et internationaux, qu¹elle a fondés, La Meute contre la publicité sexiste
et Encore féministes !  


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Last modified 2005-10-07 03:22 PM
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