|
SYNTHESE SUR LE SUIVI DE LA MARCHE MONDIALE DES FEMMES DE L’AN 2000 ET LA PAIX DANS LA REGION DES GRANDS LACS
par Ephrem BALOLE BWAMI, Consultant indépendant, Kigali, Mai 2004
■ ■ ■
CONCERTATION DES COLLECTIFS D'ASSOCIATIONS FEMININES DE LA SOUS - REGION DES GRANDS LACS AFRICAINS
COCAFEM - GL
SYNTHESE SUR LE SUIVI DE LA MARCHE MONDIALE DES FEMMES DE L'AN 2000 ET LA PAIX DANS LA REGION DES GRANDS LACS
Financé par CECI ACIPA, Kigali, mai 2004, Rwanda
Ephrem BALOLE BWAMI
Table des matières
1. INTRODUCTION
1.1. HISTORIQUE DU PROJET
1. 2. PRESENTATION DE LA COCAFEM-GL
1.3. METHODOLOGIE UTILISEE
1.3.1. L'état des lieux au niveau des collectifs
1.3.2. Le document d'ensemble
2. ANALYSE DU CONTEXTE 7
2.1. CONTEXTE ACTUEL DE LA SOUS-REGION DES GRANDS LACS
2. 2. SITUATON DE LA FEMME DE LA REGION DES GRANDS LACS
DANS LE CONTEXTE PARTICULIER DES CONFLITS ACTUELS
2.2.1. Le problématique de la pauvreté de la femme dans la Sous Région des Grands Lacs
2.2.1.1. Au niveau structurel
2.2.1.2. Sur le plan conjoncturel
2.2.2. Le problématique de la violence faite à la femme dans la sous région des Grands Lacs
2.2.2.1. Au niveau de la famille
2.2.2.2. Au niveau de la collectivité
2.2.2.3. Au niveau de l'Etat
3. SYNTHESE DES ETATS DES LIEUX DANS LES DIFFERENTS PAYS
4. ANALYSE DES RESULTATS
4.1. Sur le plan de la pauvreté
4.2. Sur le plan des violences faites aux femmes
4.3. Sur le plan de la participation de la femme aux instances de décision
4.4. Sur le plan politique et sécuritaire
4.5. Au niveau socio-sanitaire et éducatif
5. ANALYSE DU NIVEAU DE REALISATION DES REVENDICATIONS DE LA MARCHE MONDIALE DES FEMMES DE L'AN 2000
5.1. Les revendications adressées aux Etats de la sous-région des Grands-Lacs Africains
5.2 Les revendications adressées à la communauté internationale
5.3. Les améliorations sur le plan régional
5.4. les défis à relever
Conclusion
BIBLIOGRAPHIE
ABRÉVIATIONS ET SIGLES
A.N. : Assemblée Nationale
ACIPA : Action Citoyenne pour la Paix
APR : Armée Patriotique Rwandaise
AZADHO : Association Zaïroise de Droit de l'Homme
B.M. : Banque Mondiale
BPFE : Banque Populaire des Femmes Entrepreneurs
CECI : Centre Canadien de Coopération Internationale
CEDAW : Committee on the Elimination of Discimination Against Women
CICR : Comité International de la Croix Rouge
CNDD : Conseil National pour la Défense de la Démocratie
CNDH : Commission Nationale des Droits Humains
CNR : Commission Nationale de Réconciliation
COCAFEM-GL : Concertation des Collectifs des Associations Féminines de la région des Grands-Lacs
COOPEDU : Coopérative d'Epargne et de crédit Duterimbere
DICO : Dialogue Inter-Congolais
FDD : Forces de Défense de la Démocratie
FMI : Fonds Monétaire International
FNL : Front pour la Libération Nationale
HRW : Human Rights Watch
LDGL : Ligue de Droits de l'homme dans la région des Grands Lacs.
MONUC : Mission d'observation des Nations-Unies au Congo
ONG : Organisation Non-Gouvernementale.
ONU : Organisation des Nations-Unies
OPRP : Office de Protection des Recettes Publiques
PADD : Programme d'Appui à la Démocratie et au Développement
PNLP : Programme National de Lutte contre la Pauvreté
PNPF : Programme National de Promotion de la Femme.
PNUE : Programme des Nations-Unies pour l'Environnement
PPTE : Pays Pauvres Très Endettés
PREFED : Programme Régional de Formation et d'Echange pour le Développement
RCD : Rassemblement Congolais pour la Démocratie
RDC : République Démocratique du Congo
SERACOB : Service d'Accompagnement des Organisations Non-Gouvernementales de Base
SIDA : Syndrome d'ImmunoDéficience Acquise
SIDENI : Syndicat d'Initiative pour le Développement de Nindja
TPIC : Tribunal Pénal International pour le Congo.
VIH : Virus d'Immuno Déficience Humaine
1. INTRODUCTION
1.1. Historique du projet
En vue de participer à la marche mondiale des femmes de l'an 2000, 4 collectifs des femmes de la sous région des grands-lacs (Burundi, RDC, Rwanda), se sont regroupés au sein de la COCAFEM-GL.
Ces 4 collectifs avaient effectué des descentes à la base en vue de recueillir les revendications des femmes sur les questions de la pauvreté et des violences qu'elles subissent tant au niveau domestique, social que dans le contexte de guerre qui sévissait dans la sous-région. Ces revendications ont fait l'objet d'un plaidoyer, d'un lobbying et des déclarations publiques auprès des autorités étatiques et de diverses organisations internationales. Elles ont même été portées auprès du Secrétaire Général des Nations-Unies, KOFFI ANAN.
Du 15 au 19 septembre 2003, s'est tenue à Kigali une formation sur la gestion des conflits par les femmes de la Région des Grands-Lacs ; formation organisée par le Département pour l'avancement de la femme des Nations-Unies avec l'appui technique du centre pour la résolution des conflits de l'Afrique du Sud. Y ont pris part, les femmes du Burundi, de la RDC, de l'Ouganda, du Rwanda, du Kenya et de la Tanzanie. C'est à cette même occasion qu'elles ont été informées de la Préparation de la Conférence Internationale sur la paix, la sécurité et le développement dans la Région des Grands-Lacs.
Pareillement, le Comité de Suivi de la Marche Mondiale a décidé de tenir sa prochaine rencontre en Afrique, principalement au Rwanda. Pour cela, un bilan des réalisations et des perspectives est nécessaire.
C'est en préparation de ces deux importantes rencontres que les quatre collectifs sont retournés auprès des femmes à la base en vue de réaliser un état des lieux portant sur la problématique des femmes en contexte de guerre. En effet, cinq ans après la Marche Mondiale, il y a lieu de faire un bilan : qu'en est-il de la situation des femmes, quel est l'état d'avancement des revendications, qu'est ce qui a été réalisé et qu'est-ce qui reste encore à faire ?
Ce rapport d'ensemble comprend une synthèse des documents élaborés dans chacun des trois pays. Il comprend également une synthèse régionale ainsi qu'une analyse comparative par rapport avec d'autres études ainsi qu'un document de Plaidoyer. La réalisation de ce document permet un double intérêt :
-
Servir d'outil de plaidoyer et de revendication à adresser à la conférence internationale sur la paix, la sécurité, la démocratie et le développement dans la région des Grands-Lacs qui doit avoir lieu en décembre 2004.
-
Evaluer le pas franchi dans la mise en application des revendications de la Marche Mondiale de l'an 2000, principalement en matière de paix, de lutte contre la pauvreté et les violences faites aux femmes.
Ce travail comprend cinq points principaux :
Le premier consacré à l'introduction générale comprend l'historique de ce projet la présentation de la COCAFEM-GL et la méthodologie suivie.
Le second point est constitué de l'analyse du contexte. Il comprend notamment le contexte actuel dans la sous-région des Grands-Lacs et la situation de la femme dans ce contexte de conflit.
Le troisième point est une synthèse des états des lieux par pays respectivement dans les domaines de la sécurité, de la violence faite aux femmes, de la pauvreté, des injustices et des inégalités à l'égard des femmes, de la participation des femmes à la prise des décisions.
Le quatrième point est constitué de l'analyse comparative de la situation régionale à partir des états des lieux.
Le cinquième point comprend l'analyse du niveau de réalisation des revendications de la marche mondiale adressées aux pays des grands lacs et à la communauté internationale.
Vient enfin une conclusion suivie de la bibliographie.
Dans le cadre des préparatifs de la Marche Mondiale des femmes de l'an 2000, les femmes de la région des Grands-Lacs déjà membres des collectifs au niveau de leurs pays respectifs se sont regroupées en concertation au niveau régional en vue de produire un cahier des charges à soumettre aux autorités nationales, régionales et internationales. La Concertation des Collectifs des Associations Féminines oeuvrant pour la promotion de la femme de la région des Grands-Lacs COCAFEM-GL a ainsi été créée. Au départ, elle comprenait les quatre collectifs ci-après :
-
PROFEMMES TWESE HAMWE pour le Rwanda,
-
CAFOB pour le Burundi,
-
CAFED pour le Nord Kivu,
-
COPRONAF pour le Sud Kivu.
Après une première réunion tenue en juin 1999, d'autres rencontres se sont succédées à l'intervalle de deux mois. Dans ces rencontres, les déléguées des collectifs effectuaient une préparation, une mise au point, une évaluation de l'état d'avancement des activités planifiées en commun. Chaque collectif avait le devoir de réaliser le plan d'action sur son terrain respectif.
C'est ainsi que sous la coordination régionale de la COCAFEM-GL appuyée par le CECI-PADD, les femmes de la région des Grands-Lacs ont réalisé la marche mondiale en deux phases : Dans un premier temps, chaque collectif a organisé une marche dans son pays ou son rayon d'action respectif. Dans un second temps, 4 déléguées des collectifs de la COCAFEM-GL se sont jointes aux femmes du monde entier en marchant à New York.
Après la Marche Mondiale, les collectifs ont exprimé le vœux de continuer leur plate-forme, de la structurer et de la renforcer davantage. Le projet ACIPA qui a fait suite au projet PADD a fort heureusement retenu COCAFEM-GL parmi ses partenaires au niveau régional. Mais à la suite d'un problème interne au sein de COPRONAF, un groupe des femmes a créé un nouveau collectif dénommé COFAS (Conseil des Organisations Féminines Agissant en Synergie), devenue membre de la COCAFEM-GL en lieu et place de COPRONAF qui s'était retirée de cette plate forme.
Au plus fort de la crise, la COCAFEM-GL a eu le mérite d'avoir permis aux femmes d'une région en guerre de se mettre ensemble pour discuter de la paix, des stratégies de lutte contre la pauvreté et les violences faites aux femmes, de partager leurs expériences, de formuler des revendications communes et même de concevoir des projets communs.
Depuis lors, la COCAFEM-GL a réalisé des actions suivantes :
-
Le rôle des femmes leaders en communication,
-
La recherche du financement en faveur des collectifs membres,
-
La participation aux actions communes organisées par la société civile dont particulièrement les partenaires d'ACIPA en vue de la préparation de la CIRGL.
C'est également la COCAFEM/GL qui, avec l'appui de CECI-ACIPA, a initié et réalisé ce travail.
1.3. Méthodologie utilisée.
Ce travail a été réalisé en deux étapes :
Première étape : l'état des lieux au niveau des collectifs,
Deuxième étape : le document d'ensemble.
1.3.1. L'état des lieux au niveau des collectifs.
Partant du canevas fourni par CECI-ACIPA, chaque collectif a réalisé un état des lieux des revendications de la marche mondiale et a élaboré une série de revendications adressées à différentes instances. Pour ce faire, chaque collectif a produit un questionnaire en s'inspirant de la grille d'analyse du contexte proposée par ACIPA. Ce questionnaire a ensuite servi d'outil lors de l'enquête que les membres des collectifs ont réalisée sur terrain.
Les résultats de l'enquête ont été analysés par un consultant qui a, en même temps, complété ces résultats par d'autres études complémentaires et qui a réalisé la mise en forme finale du document. Ce dernier document envoyé au CECI-ACIPA a servi de base pour l'élaboration du présent rapport d'ensemble.
1.3.2. Le document d'ensemble.
Pour élaborer ce document ; la méthodologie ci-après a été utilisée :
-
Analyse et synthèse de quatre documents des collectifs afin de dégager les spécificités de chaque collectif dans sa zone d'intervention et la synthèse régionale commune à tous les collectifs,
-
Recherches complémentaires des études et autres documents sur Internet, auprès des organisations de droit de l'homme, des ministères et commissions nationales, des institutions spécialisées de l'ONU… L'objectif était d'avoir une vue d'ensemble de la situation telle qu'elle se pose dans la région afin d'enrichir l'analyse et la rendre plus exhaustive.
-
Recueil de quelques témoignages illustrant des violations flagrantes des droits de la femme afin de montrer ce qui se passe réellement sur terrain,
-
Partant de ce qui précède, rédiger un document de plaidoyer et des revendications que les collectifs adressent aux différentes instances nationales, régionales et internationales,
-
Rédaction d'une déclaration de la COCAFEM-GL à l'endroit de la CIRGL et du Comité de suivi de la Marche Mondiale.
2.1. Contexte actuel de la sous-région des grands lacs
La Marche Mondiale des Femmes, un événement international a eu lieu en 2000. La dernière phase s'est déroulée à New York, le 17 octobre par un défilé devant le siège de l'ONU. A l'issue de la marche, des revendications faites par les femmes sur la pauvreté et les violences faites aux femmes ont été déposées devant l'ONU à New York. Les représentantes des collectifs membres de la COCAFEM /GL ont été de la partie. Leurs revendications ont été portées auprès du Secrétaire permanent des Nations Unies. Un comité de suivi a été créé pour suivre la réalisation des revendications au niveau national et international.
A cette période- là, malgré les accords de cessez le feu de Lusaka, la guerre battait son plein en Rdc. La population et spécifiquement les femmes en vivaient les affres. Au Burundi, malgré les accords d'Arusha et les fréquentes rencontres des belligérants, la guerre continuait de plus belle dans les milieux ruraux et dans les périphéries de Bujumbura. Quant au Rwanda, à petits pas, il consolidait sa sécurité à l'intérieur et ses troupes s'étaient engagées au Congo.
Quatre ans après cette marche, tant d'événements se sont succédés dans la région des grands Lacs :
Le Rwanda a progressivement revu sa politique extérieure envers la Rdc. Des accords de paix ont été signés entre les deux pays en Afrique du Sud en juillet 2002 et réaffirmés dans le même pays en octobre 2002. C'est à partir de ces premiers accords que le Rwanda a commencé à retirer ses troupes de la Rdc et qu'on assiste progressivement à la décrispation des relations entre les deux pays. Sur le plan interne, Le Rwanda a mis fin à sa transition et a organisé ses premières élections générales. Il se propose d'évoluer progressivement vers la démocratie. A l'issu de ces élections, 48 % des femmes siègent au parlement, 40 % à la cour suprême de la justice dont la Présidente, 30 % au Sénat, 30 % comme Ministres au Gouvernement.
Au Burundi, l'évolution vers la paix a été très lente. Après la signature des accords de paix d'Arusha, un Président de l'ethnie Tutsi a été désigné au pouvoir, dix-huit mois après, une alternance au pouvoir s'est opérée dans la douceur en faveur d'un Président d'ethnie Hutu. Ce fut le respect des prescrits des accords signés. Malgré la formation d'un gouvernement selon les accords d'Arusha, la paix n'est pas revenue car deux branches d'opposition n'étaient pas intégrées. Avec la volonté de mettre fin à la guerre, un accord vient d'être signé par le nouveau Gouvernement et la principale opposition armée, le FDD-CNND. Cette dernière vient d'intégrer le Gouvernement ; les efforts sont en route pour que le FNL fasse de même.
A l'issuE de ces accords, 20 % des femmes sont entrées à l'Assemblée Nationale, 20 % au Sénat, 13 % au Gouvernement. Il s'agit là des efforts louables mais qui sont encore fort éloignés du quota de 30 % recommandé par Beijing.
En République Démocratique du Congo, les accords de Sun City signés le 16 décembre 2002, en Afrique du Sud ont permis de mettre fin à la guerre. Un Gouvernement de transition qui a intégré les belligérants, la société civile et l'opposition politique non armée a été mis en place. Un Parlement bicaméral siège déjà à Kinshasa, des institutions d'appui à la démocratie ont été installées. Sous l'appui de la communauté internationale, cette transition devra déboucher sur l'organisation des élections générales, libres et démocratiques au cours du deuxième semestre de l'année 2005. Les femmes ont déchanté car elles n'étaient pas convenablement représentées, 13 % au Gouvernement 12 % au Parlement, 2,5 % au Sénat, ce qui est loin du quota de Beijing.
D'ici décembre 2004, un grand rendez-vous de l'histoire des pays des grands lacs est fixé. C'est la conférence Internationale sur la Sécurité et le Développement de la Région des Grands Lacs. « Le but de cette conférence est « d'imaginer un processus dans le cadre duquel les dirigeants des pays de la région des Grands Lacs seront invités à se réunir en vue de parvenir à un accord sur l'ensemble des principes, de formuler et de lancer des programmes d'action visant à mettre fin au retour cyclique des crises et garantir une paix, une sécurité, une démocratie et un développement durables dans la région. Ce processus est conçu de façon à être aussi ouvert que possible et l'on s'efforcera d'y associer d'autres parties prenantes et notamment les acteurs non étatiques et la communauté internationale des bailleurs des fonds. »
En élaborant ce travail, les femmes veulent s'inscrire dans le cadre des préparatifs de la CIRGL, en constituant des données de base avec l'ambition de siéger à cette conférence. Vu son importance, les femmes ne veulent pas rater « une opportunité offerte à la société civile d'exprimer les préoccupations profondes de dénouer les violences et autres exactions dont est victime la population civile et spécialement les femmes. »
D'ici juin 2004, la 5ème conférence du comité de suivi de MMF se tiendra au Rwanda, à Kigali. Elle aura comme objectif une évaluation du niveau de réalisation des revendications exprimées lors de la marche mondiale. Il s'agit d'examiner les réponses des chefs d'Etat et de la communauté internationale à ces revendications. Ce travail constituera donc pour la COCAFEM/GL des matériaux nécessaire pour cette 5ème conférence du comité de suivi de la Marche Mondiale des Femmes.
C'est pourquoi les femmes de la Région des Grands Lacs se sont de nouveau rendues sur terrain afin d'examiner ce qui a changé chez la femme de cette partie de l'Afrique quatre ans après la Marche Mondiale.
2. 2. Situation de la femme de la région des grands lacs dans le
contexte particulier des conflits actuels.
L'état permanent des guerres ou des conflits cycliques dans la région des Grands Lacs a détruit tout le capital tant humain que social. Toutes les infrastructures socio-économiques ont été systématiquement balayées dans certains endroits. Les violences qui accompagnent ces conflits ont provoqué la mort des milliers des personnes. La guerre que connaît la R.d. Congo ou ses effets ont causé la mort d'environ 3.600.000 personnes. Le génocide de 1994 au Rwanda a tué plus de 800.000 personnes. La guerre interne au Burundi a déjà fait au moins 300.000 victimes.
A la recherche de la sécurité, de milliers des personnes ont fuit leurs habitations et sont livrées à une errance soit à l'intérieur ou à l'extérieur de leur pays. Alors, elles se sont retrouvées dans de réfugiés où sévissent les misères et les maladies avec comme conséquences : la non scolarisation des enfants et jeunes, la délinquance juvénile et la prostitution des filles, les mariages forcés ou précoces des filles, l'accroissement de la mortalité maternelle, infantile et des personnes âgées, l'expansion du VIH/sidA.
Le point culminant de ces violences provoquées par les guerres est le viol systématique et planifié. Les femmes, les jeunes filles et même les vieilles ont été violées dans des conditions particulièrement atroces, inhumaines, sadiques et humiliantes avec une visée de distribuer le sida. Le cas de l'Est du Congo constitue le cas le plus troublant où le viol est devenu une arme de guerre : la MONUC vient de recenser dans le seul territoire de Shabunda, plus de 800 enfants indésirables nés des viols commis par des interahamwe sur des femmes congolaises ; le CICR a recensé plus de 5.000 cas de viol en territoire de FIZI, le CRAF en a dénombré plus de 5.500 autour de Bukavu, au Nord Kivu, plus de 3.000 cas sont aussi signalés autour de Goma.
Les conséquences de ces conflits armés ont influé négativement sur les conditions de vie des femmes de la sous-région des Grands Lacs. Ces femmes déjà défavorisées par les systèmes politiques en place et les considérations coutumières ont vu leur niveau de pauvreté s'aggraver ainsi que les violences dont elles souffrent.
2.2.1. Le problématique de la pauvreté de la femme dans la Sous Région de grands Lacs.
La pauvreté des femmes de la sous région se caractérise par :
-
-
Le non accès aux capitaux,
-
Le non accès aux services de base et aux études au même titre que les hommes.
Les considérations traditionnelles de l'infériorité de la femme vis-à-vis de l'homme, les systèmes politiques, socio-économiques en place dans nos pays n'ont pas permis à la femme de sortir de son niveau de pauvreté. Cette pauvreté de la femme s'est aggravée par le poids de la dette publique qui annihile tout effort de développement par nos Gouvernements. La chute des revenus des ménages et l'augmentation du chômage qui en découle ont condamné la femme à porter seule le poids de la famille. Dans ce contexte, la femme se livre à la débrouillardise pour faire vivre sa famille ; ainsi elle est surchargée et surexploitée au niveau de son ménage. Elle offre partout un service à moindre coût et sa santé se dégrade rapidement.
En milieu rural, particulièrement à l'Est de la Rdc et au Burundi, la pauvreté de la femme s'est accentuée par l'insécurité caractérisée par les affrontements entre les armées régulières et les rebelles ou autres armées. Les populations sont poussées aux déplacements forcés. D'où l'abandon des travaux de champs et de l'élevage, seules activités économiques de la femme rurale. Nombreuses femmes se sont vues arrachées tous les biens domestiques, le cheptel et les produits agricoles lors de fréquents pillages qui accompagnent ces violences. Celles qui exerçaient le petit commerce ont été bloquées dans leurs activités par l'insécurité grandissante et les déplacements forcés.
En définitive, la pauvreté de la femme est devenue multidimensionnelle dans cette partie de l'Afrique. Le plaidoyer des femmes de la sous région lors de la Marche mondiale de 2000 a dénoncé la féminisation de cette pauvreté dans cette partie du monde. Ce plaidoyer avait distingué deux facteurs encore valables, qui ont influencé la pauvreté féminine : Les facteurs structurels et les facteurs conjoncturels.
2.2.1.1. Au niveau structurel
-
Les structures sociales tant traditionnelles que modernes constituent un environnement peu favorable à l'amélioration de la situation économique des femmes de la sous région. Les systèmes patriarcaux de propriété et d'héritage des ressources au sein de la famille entretiennent les inégalités de sexes. Le droit de gérer les propriétés et les revenus des ménages n'appartient qu'à l'homme, le chef de la famille. Les conséquences actuelles font que les femmes ne peuvent pas accéder aux crédits bancaires fautes des garanties à présenter. L'autorisation maritale de travailler ou d'exercer un commerce n'est pas totalement abolie partout.
-
Au niveau des ménages persiste encore la division sexuelle du travail. Selon la tradition, certains travaux sont réservés aux hommes et les autres aux femmes. La scolarisation est faite en priorité aux garçons. Cela réduit sensiblement les chances des femmes d'évoluer afin d'être en compétitivité avec les hommes. Enfermée dans le carcan de la tradition, faute de temps due aux multiples charges ménagères et compte tenu de son niveau intellectuel souvent assez bas, la femme de la sous région ne peut pas participer aux séances de formation ou d'information, s'intéresse peu aux technologies nouvelles.
-
Dans l'enseignement, l'instruction et l'éducation des filles et femmes sont orientées vers le secteur essentiellement social. Cela limite leurs compétences et connaissances ainsi que leurs aptitudes à profiter des opportunités offertes par le progrès du développement.
-
Sur le marché de l'emploi, ce sont les fonctions ou tâches considérées comme simples et appropriées aux femmes et moins rémunérées qui sont réservées aux femmes dans la sous région et pourtant elles sont capables de beaucoup de choses comme elles l'ont déjà prouvé plusieurs fois quand l'occasion leur était donnée.
-
Selon le plaidoyer cité, les modèles de développement sont trop axés sur la macroéconomie. Ils n'intègrent pas le comportement économique au sein des ménages et ne tiennent pas compte des aspects pratiques des différences entre les sexes ni de la valeur du travail de la femme.
-
Le poids actuel de la dette publique toujours croissante, les différentes crises économiques et politiques successives que traversent nos pays ne permettent pas leur croissance. Pourtant il faut cette croissance pour améliorer les conditions de vie nécessaires à l'épanouissement de la femme.
2.2.1.2. Sur le plan conjoncturel.
Les guerres successives qui déchirent la sous région des Grands Lacs ont eu comme conséquences la victimisation de la femme. C'est bien elle qui en a payé le lourd tribut.
-
De nombreuses femmes vivent dans des camps de réfugiés, loin de leurs champs, privées de leurs activités ordinaires ne dépendent plus que de la bonne volonté des humanitaires.
-
Le nombre des veuves a excessivement augmenté dans la sous région. Nous assistons à une responsabilisation, souvent précoce, de ces femmes devenues brusquement chefs de ménages dans la prise en charge à 100 % de sa famille. Le drame est que le poids de la famille repose sur les veuves dont les revenus sont faibles et s'amenuisent davantage car privée de l'appui marital.
Pour éliminer la pauvreté de la femme dans cette partie de l'Afrique, il faut enrayer ses causes. : refondre les structures traditionnelles, modifier les institutions actuelles qui favorisent la féminisation de la pauvreté. De leur part, les mouvements féminins doivent se mobiliser avec efficacité pour un lobbying agressif pour obtenir l'élaboration des programmes sociaux, politiques et économiques à leur avantage. La lutte efficace contre la pauvreté de la femme nécessite des actions spécifiques, entre autres :
-
Mettre fin à la situation des guerres qui engendre l'insécurité et les violences.
-
Réviser les législations nationales respectives pour en éliminer les dispositions discriminatoires à l'égard de la femme et adapter le code de la famille aux réalités socio-économiques actuelles.
-
Réexaminer nos coutumes et traditions pour y extraire les valeurs les plus importantes à garder et adapter le droit coutumier aux évolutions actuelles qui protègent la femme et surtout en matière d'héritage et d'accès à la propriété privée.
-
Réformer le système éducatif en facilitant l'accès de tout le monde, sans distinction de sexe à tous les domaines d'enseignement.
-
Ouvrir le marché d'emploi à tout le monde sans distinction de sexe, dans le secteur privé que dans les services et institutions étatiques, avec les mêmes conditions rémunératoires. Le mérite étant la seule condition d'engagement.
-
Mettre sur pied un programme de micro finance en faveur des femmes, leur faciliter l'accès aux crédits bancaires et briser toutes les barrières qui les empêchent d'exercer les activités lucratives.
2.2.2. Le problématique de la violence faite à la femme dans la sous région des Grands Lacs
Les violences faites à la femme sont à placer dans le contexte de violences généralisées que subissent les populations dans la sous région des grands lacs. Ces violences devenues cycliques n'épargnent personne.
Dans les sociétés traditionnelles, les guerres étaient liées aux ambitions territoriales expansionnistes. Pour le moment, les guerres ont comme origines l'ethnisme, le régionalisme, le népotisme, les ambitions personnelles démesurées, le contrôle des ressources naturelles… .Actuellement l'Afrique de la sous région des Grands Lacs est déchirée par des conflits armés internes et transfrontaliers ayant des visées de prise du pouvoir par la force sous le libellé « guerre de libération ». Les états s'accusent mutuellement de soutien aux forces rebelles à leurs gouvernements respectifs ou de mener une guerre d'agression à leur pays. Derrière ces conflits se trouve la main obscure des puissances et firmes occidentales qui les attisent pour leurs intérêts économiques.
Pour mettre fin à ce conflit sanglant, des initiatives locales, régionales et internationales ont eu lieu . De séries de négociations, des rencontres bilatérales des chefs d'états, des conférences ont été organisé : accords de Lusaka et de Sun-City en RDC, accords inter burundais d'ARUSHA.
Les femmes de la concertation estiment qu'elles n'ont pas été ou peu impliquées dans ces différentes phases de négociations pour la paix. Elles savent qu'elles sont les premières victimes de ces violences et en subissent tous les contre coups. C'est pourquoi elles réclament des mesures appropriées, réalistes et efficaces pour mettre fin et d'une manière durable aux conflits dans cette sous région afin de créer un environnement politique et social capable d'accélérer le développement et l'épanouissement de la femme.
Concernant ces violences, il est attesté que quels que soient leurs conditions socio-économiques et leur niveau d'instruction, leur culture et leur religion ; les femmes sont victimes de violences qui les empêchent de participer pleinement à la vie de la société. Cependant cette situation est plus que dramatique dans la sous région des grands lacs où la femme est chosifiée et dépouillée de ses droits et ses biens suite à l'environnement dans lequel elle vit.
La déclaration de l'ONU sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes de 1993 définit à l'art 12 la « violence spécifiquement dirigée contre les femmes » comme étant « Tous actes de violence dirigés contre le sexe féminin et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie politique ou dans la vie privée ».
Trois formes de violence les plus communes ont été recensées par cette déclaration :
-
La violence physique, sexuelle et psychologique au sein de la famille,
-
La violence physique, sexuelle et psychologique dans la collectivité,
-
La violence physique, sexuelle et psychologique perpétrée et tolérée par l'Etat ou qu'il exerce.
Dans ces pays de la sous région des grands lacs, les femmes souffrent de toutes ces violences et tous les niveaux.
2.2.2.1. Au niveau de la famille
Dans nos ménages, il est malheureux de constater que la violence qu'exerce un mari sur son épouse est considérée par le voisin, la collectivité ou les autorités comme une affaire privée, un droit de l'homme sur la femme. L'épouse est toujours réputée consentante pour les relations sexuelles. D'autre part, nombreuses femmes sont encore battues par leurs maris. De pratiques traditionnelles sont enracinées dans les milieux que sur le plan physique et moral, les femmes font l'objet de discrimination. Les biens et les ressources de la femme appartiennent à l'homme qui en décide comme il veut.
Dans la famille au sens large, le mariage reste une affaire de la famille. nombreuses jeunes filles ne sont pas libres de choisir leurs maris. A cause des intérêts de la famille, on assiste à des mariages forcés ou précoces. Dans nos sociétés, les veuves sont souvent dépouillées de tous leurs biens que les membres de la belle famille se partagent, quelques fois les enfants leur sont arrachés en cas de remariage. Dans d'autres familles, la veuve est obligée de se remarier au frère du conjoint. Ailleurs, persistent encore des coutumes qui font qu'on torture physiquement la femme à la mort de son mari. Aussi la non reconnaissance aux femmes et filles du droit d'héritage persiste encore et la dot reste un blocage des jeunes au mariage, surtout en cette période de basse conjoncture.
2.2.2.2. Au niveau de la collectivité
Dans la sous région, la femme peut être violée n'importe où et par n'importe qui, surtout dans les camps de réfugiés ou des déplacés, dans les villages comme en brousse. Aux bureaux ou autres lieux de service ainsi qu'à l'école, les femmes comme les filles sont l'objet de harcèlement sexuel de la part des employeurs et des enseignants. La plupart de fois, les employeurs ou responsables de services conditionnent l'engagement, la promotion ou l'obtention d'avantage, pourtant mérité, aux relations sexuelles avec l'agent féminin. Dans les établissements d'enseignement les points font objet de chantage sexuel.
2.2.2.3. Au niveau de l'Etat
En RD Congo, au Rwanda, au Burundi, le viol a servi d'arme de guerre. Les femmes ont subi de viols collectifs par de soldats ou des éléments des bandes armées de toutes les parties en conflits. Ces actes visaient essentiellement à humilier les victimes et même à distribuer volontairement le sida. Comme signalé plus haut, nombreuses femmes ont été violées en RDC par différents groupes armés, par les rebelles et leurs alliés. Beaucoup de femmes ont été enlevées et emportées en brousse par les interahamwe pour servir d'esclaves sexuelles. Parmi ces violences attribuées à l'Etat, il faut dénoncer celles exercées sur les femmes détenues. Les prisons, les cachots et les amigos servent de lieux de viols, d'abus et autres sévices sexuels sur les femmes incarcérées, perpétrées par les OPJ, les prisonniers et par ceux-là même chargés de les protéger.
Pour assainir cet environnement violent dans lequel évoluent les femmes de la sous région de grands lacs, les Gouvernements respectifs et la communauté internationale doivent :
|