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Marche mondiale des femmes   Marche mondiale des femmes
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World March of Women

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La force du logo

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Pour comprendre l'effet que produit le logo de la Marche mondiale des femmes, il faut avoir eu entre les mains ou vu tout le matériel (incroyable dans sa diversité, son originalité et ses fantaisies) que les membres de la Marche ont créé au fil des ans. Il faut l'avoir vu, parce que, pour nombre de groupes, ce matériel n'est pas écrit dans une des trois langues qu'utilise la Marche mondiale des femmes pour ses communications. Tout ce qu'une personne ne parlant pas la langue voit alors, c'est le logo ! Car, qu'il ait été reproduit en noir et blanc ou avec ses couleurs d'origine, qu'il ait été déformé, le logo de la Marche mondiale reste lisible. Cinq femmes, comme les cinq continents et comme les cinq doigts de la main, avancent ensemble sur le globe terrestre. Tous les ingrédients de la Marche sont merveilleusement là : le monde, des femmes, en mouvement. Égalité, respect des femmes les unes pour les autres. Idéaux communs, valeurs partagées. Bref, le logo de la Marche mondiale des femmes remplit les quatre rôles que l'on attribue généralement à cet outil (d'identification, de certification, d'appartenance et symbolique).

Choisi à l'issue d'un concours organisé en 2000 par le comité organisateur de la Marche qui comptait 22 femmes, très différentes dans leurs origines et leur engagement, même si toutes habitaient le Québec (autochtones, handicapées, syndicalistes, lesbiennes, immigrantes…), le logo a été réalisé par la firme Rouleau-Paquin. Le défi de permettre à des femmes très diverses de s'identifier avait été relevé. Les couleurs utilisées (bleu, vert, jaune, rouge, blanc) avaient l'avantage de ne correspondre à aucune couleur de peau précise. De même les silhouettes, stylisées à l'extrême, étaient d'office un symbole. Plus qu'une signature, le logo est au cœur de la Marche. C'est un logo d'identité et de résistance que les militantes se sont habituées à voir dans les manifestations, et que, spontanément, chaque membre cherche des yeux pour le rejoindre.

Dès le début, la Marche a encouragé les groupes participants à utiliser le logo pour les différents documents produits, pour leur site Web, afin d'éduquer et de mobiliser. Certaines règles ont été établies pour identifier ce type de documents par rapports à ceux « officiels » émis par le Secrétariat international et pour protéger la Marche (entité juridique) de toute utilisation « abusive » du logo. Enfin, pour toute activité de collecte de fonds ou réalisation de matériel promotionnel vendu, les utilisatrices doivent, normalement, obtenir une autorisation écrite du comité de coordination.

Concrètement, dans la réalité de la vie des groupes, le succès du logo n'a pas permis le respect de toutes ces procédures. Les femmes se sont emparées avec enthousiasme de cet outil à la fois illustratif et informatif qui peut être utilisé, et l'est de plus en plus, sans l'indication écrite Marche mondiale des femmes. Les (trop) nombreuses femmes qui, dans le monde, n'ont pas appris à lire, peuvent ainsi non seulement reconnaître les « lieux » où l'on parle de la Marche, mais s'y reconnaître. Et s'y reconnaissant, s'en sentir propriétaires. Et cela fonctionne !

Aujourd'hui, le logo a fait le tour du monde. Les Africaines l'ont imprimé sur des pagnes qu'elles portent lors de rencontres de la Marche. Les Indiennes ont imprimé les empreintes de leurs mains trempées dans la peinture sous le logo, en signe d'assentiment avec les revendications de la Marche. Les Brésiliennes ont créé toute une gamme de petits t-shirts de toutes les couleurs, avec une ribambelle de femmes se tenant par la main. Les bannières ont fleuri. En 2000, la plupart des coordinations nationales ont mis leur marque sur les cartes postales servant à récolter les signatures appuyant les 17 revendications de la Marche. Il y a eu aussi, dans la variété des supports utilisés dans toutes les actions, les tasses Marche mondiale, les porte-clés, les auto-collants, les ballons gonflables, les calendriers, les affiches, les foulards et même une cuvée de vin, en France, en 2000. Il y a eu aussi les différents aménagements qui sont devenus la marque de commerce de certains groupes. Les Brésiliennes ont vêtu les silhouettes de vêtements, les ont coiffées et colorées, montrant ainsi la diversité des femmes membres de la Marche dans ce pays.

L'iconographie de la Marche est riche ! La courtepointe, confectionnée au cours du relais 2005 en est la preuve. Les carrés sont tous porteurs de sens. Non seulement ils illustrent les valeurs contenues dans la Charte, mais les illustrations puisent profondément à l'art visuel propre à chaque pays (type de dessin, couleurs, texture, matériaux utilisés, etc.). Les photos nous parvenant de manifestations qui se tiennent aux quatre coins du monde ont aussi leurs caractéristiques mais elles sont toujours festives. Elles dénotent l'énorme créativité des femmes, leur capacité de détourner les objets quotidiens pour en faire des instruments de lutte : ustensiles de cuisine pour taper sur les marmites vides, évoquant la faim; foulards pour se bâillonner en signe du silence que l'on impose aux femmes; nombreux instruments de musique pour porter « sa voix », etc., etc.

De plus, très souvent, les femmes se réunissent pour confectionner ensemble ces éléments. Elles utilisent les matériaux de construction qui sont sous la main : bouts de tissu, cartons, gobelets en plastique, donnant une autre vie aux objets, les prolongeant, dans un souci d'économie et de préservation qui leur est propre. N'est-il pas touchant d'apprendre que le carré de la courtepointe de la Suède est fait de trois draps de lit, celui de la grand-mère, de la mère et de la fille, draps qui se sont transmis de génération en génération et qui étaient des draps de noce ? De se rappeler qu'en 2000, les Haïtiennes ont manifesté en se couchant sur des cartons qui sont le matelas beaucoup de personnes, dans leur pays ? Ces rencontres sont autant de lieux où l'on crée, mais aussi où l'on échange et se confie, chacune racontant ses expériences, apprenant de celles des autres, et où l'on avance, ensemble, vers de nouvelles actions.

Brigitte Verdière, avec des éléments repris dans le mémoire de Luciana Lívia Gonçalves, L'usage du tissu dans la communication de la MMF, São Paulo, Pontifícia Universidade Católica de SP, 2005

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Last modified 2006-09-18 01:15 PM