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Cahier des revendications mondiales - partie 02

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Cahier des revendications mondiales

UN MONDE À REFAIRE

Dans quel monde vivons-nous?


Le triomphe intolérable des inégalités... dans un monde de plus en plus riche!

Nous vivons dans un monde où triomphent les inégalités. À l'aube de l'an 2000, il existe encore des déséquilibres profonds, injustifiables et intolérables, entre les hommes et les femmes, entre les pays du Nord et les pays du Sud, entre ceux de l'Est et ceux de l'Ouest, et, parmi la population d'un même pays, entre les riches et les pauvres, entre les jeunes et les plus âgés, entre les villes et les campagnes.

Nous vivons dans un monde qui connaît des développements techniques et scientifiques spectaculaires, une amélioration substantielle de la productivité industrielle et agricole, une explosion des moyens de communication. Pourtant, il y a des milliards de personnes sans emploi et sans accès à un minimum vital en ce qui a trait à la nourriture et à l'eau potable, au logement, aux soins de santé, à l'éducation, à la culture, à l'information, aux sources d'énergie et aux modes de transport. Quel paradoxe : partout, il est maintenant possible de devenir de plus en plus pauvre dans des sociétés de plus en plus riches! En effet, l'humanité ne souffre pas d'un manque de ressources ou d'une insuffisance de production des richesses mais d'un problème grave d'accès universel, de distribution équitable et de gestion responsable de ces richesses et ces ressources qui ne sont pas illimitées. Et ce sont les femmes qui, très majoritairement, souffrent de ce mal-développement.

La tolérance et la complaisance tenaces envers toutes les violences faites aux femmes

Nous vivons dans un monde où les violences à l'égard des femmes continuent d'être une réalité universelle: violence conjugale, agressions sexuelles, mutilations sexuelles, viols systématiques en temps de guerre, voilà le lot de millions de femmes.

Cette violence traduit des rapports de force historiquement inégaux entre les hommes et les femmes et constitue juridiquement une violation des droits humains et des libertés fondamentales. C'est une réalité universelle: elle s'exerce dans toutes les sociétés quels que soient la classe sociale, le revenu et la culture. Toutes les femmes sont touchées. Il serait difficile de trouver une seule femme qui, à un moment ou l'autre de sa vie, n'a pas eu peur du simple fait d'être une femme. Des gestes aussi simples que marcher dans la rue le soir ou travailler de nuit peuvent représenter des problèmes importants de sécurité pour elles.

La violence physique, sexuelle et psychologique est trop souvent perpétrée ou tolérée par les États qui font primer les coutumes et les traditions sur les droits fondamentaux. Dans certains pays, le fait même d'être femme signifie voir ses droits fondamentaux bafoués.

Une crise profonde de culture et de solidarité

Nous vivons dans un monde en crise d'identité, de valeurs, de projets, de solidarité sociale, où les relations humaines sont mises à mal par la prédominance de l'économisme; dans un monde où l'art, la littérature, le théâtre, la poésie, la musique, la danse sont dangereusement relégués en fin de liste des " priorités " économiques et où le " monde de l'être " reste soumis au " monde de l'avoir ", alors que l'inverse devrait gouverner nos existences. Nous vivons dans un monde en crise de culture, d'où une perte de repères, un repli dans des sectes, des fondamentalismes religieux, des intégrismes; un monde qui sombre dans le racisme, l'homophobie et, de façon plus générale, l'intolérance envers la diversité. Cette crise bloque le dialogue entre les cultures dont le pluralisme constitue une des grandes richesses de l'humanité.

Les guerres toujours sales

Nous vivons dans un monde ravagé par de multiples conflits armés dits de " basse intensité " qui déciment les populations civiles et grèvent les budgets des États concernés au profit de l'industrie de l'armement. Des massacres inter-ethniques, aux bombardements occidentaux sur l'ex-Yougoslavie, les hommes continuent à priviléger les guerres pour " régler " leurs conflits. En temps de guerre, les femmes quant à elles, souffrent des formes spécifiques de violence dont les viols systématiques reconnus comme crimes de guerre seulement depuis 1993. Partout, les femmes se lèvent pour exiger la fin des hostilités et la recherche de solutions politiques aux conflits.

Le productivisme boulimique et l'agonie de la planète

Nous vivons dans un monde où, de façon dramatique, l'équilibre est rompu entre les humains et la nature; où surtout les pays dits " développés " sont engagés depuis longtemps dans une course effrénée à la croissance à tout prix. Il y a boulimie de production et de consommation - dont un nombre considérable d'objets inutiles - qui maintient le cercle vicieux : on produit pour consommer et on consomme parce qu'on produit! Ce productivisme débridé entraîne l'épuisement des richesses naturelles et le ravage de l'environnement provoquant l'agonie de la planète et mettant les générations futures en péril. Ce sont les femmes qui, très majoritairement encore, souffrent de cette fausse croissance.

La corruption scandaleuse érigée en système

Nous vivons dans un monde où la corruption est, dans plusieurs pays, érigée en système et, au niveau international, " légalisée ". Comment appeler autrement cette fabuleuse richesse concentrée dans quelques mains seulement, ces fortunes colossales provenant de biens publics et accumulées au détriment des obligations fiscales envers les États, ou très souvent avec leur complicité.

Ces richesses sont systématiquement volées, détournées, blanchies par des entrepreneurs privés, des corporations de tout ordre, des institutions financières, des fonctionnaires de tous niveaux, des dirigeants politiques et même des gouvernements entiers. Elles sont cachées dans des paradis fiscaux et le secret bancaire couvre l'identité de ces voleurs en leur assurant une impunité dont seuls les dictateurs ont pu jouir jusqu'à présent.

Des États qui abdiquent leurs responsabilités envers leurs citoyennes et leurs citoyens et des démocraties malades

Nous vivons dans un monde où les États refusent souvent d'assumer leurs responsabilités et leurs obligations face aux citoyennes et citoyens et où ils abdiquent devant la dictature des marchés organisés en un pouvoir supranational non élu et composé de grandes institutions financières, de banques, de corporations industrielles, de multinationales, etc.

Ce pouvoir supranational impose aux États ses règles de lutte aux déficits sous forme de Programmes d'ajustement structurel au Sud, de compressions dans les programmes sociaux au Nord ou du projet d'Accord multilatéral sur l'investissement (AMI) et autres projets du même genre. Les États font souvent preuve de complaisance et de complicité envers ce pouvoir l'assurant de généreuses subventions, ou encore de " congés de taxation ", ou encore de crédits à taux préférentiels.

Nous vivons dans un monde où la démocratie est ainsi mise en péril quand le sort du monde repose entre les mains de ces nouveaux " seigneurs de guerre " qui fonctionnent sans loi ni sanction sociale, sans devoir rendre de compte à personne, hors contrôle démocratique, sans imputabilité citoyenne.

La dérive troublante des systèmes internationaux dits "de protection"

Nous vivons dans un monde où l'on a tenté de civiliser les rapports entre les pays et de harnacher quelque peu la toute-puissance des marchés. Nous sommes obligées de constater, à la veille du troisième millénaire, que rien ne va plus. L'ONU éprouve de grandes difficultés à prévenir ou à régler des conflits et les pouvoirs économiques règnent en maîtres plus que jamais.

Un monde progressivement construit par la force conjuguée de deux phénomènes mondiaux

La domination d'un système économique unique à la grandeur de la planète : le capitalisme néolibéral

Le système économique dominant a un nom - le capitalisme néolibéral - et un visage, inhumain; un système régi par la compétitivité absolue et axé sur la privatisation, la libéralisation, la déréglementation; un système soumis à la seule loi du " tout aux marchés ", où la pleine jouissance des droits humains fondamentaux est subordonnée à la liberté économique et qui provoque des exclusions intolérables pour les personnes et dangereuses pour la paix dans le monde et pour l'avenir de la planète.

La perpétuation d'un système social et politique dominant envers les femmes : le patriarcat

Le patriarcat ne date pas du XXe siècle! Des millénaires ont vu naître et se consolider, selon des intensités variables et des cultures différentes, ce système de valeurs, de règles, de normes, de politiques basé sur la prétention qu'il existerait une infériorité naturelle des femmes en tant qu'êtres humains et sur la hiérarchisation des rôles attribués dans nos sociétés aux hommes et aux femmes.

Le patriarcat s'exprime dans tous les domaines de la vie et se manifeste par différents stéréotypes qui conditionnent ou marquent les rapports entre les femmes et les hommes. À l'aube du troisième millénaire, nous vivons encore dans un monde dominé par ce système qui consacre le pouvoir masculin et engendre violences et exclusions.

Néolibéralisme et patriarcat se nourrissent l'un l'autre et se renforcent mutuellement pour maintenir la très grande majorité des femmes dans une infériorisation culturelle, une dévalorisation sociale, une marginalisation économique, une " invisibilisation " de leur existence et de leur travail, une marchandisation de leur corps, toutes situations qui s'apparentent à un véritable " apartheid ".

Un autre monde résiste et se construit déjà

Il n'est pas inutile de rappeler que ce sont les luttes ouvrières du XIXe siècle, puis celles des mouvements sociaux (écologique, pacifiste, communautaire), jumelés au rôle de plus en plus important de l'État, qui ont permis de " civiliser " les excès du capitalisme naissant. Les mouvements féministes ont, quant à eux, mené des luttes acharnées pour la reconnaissance des droits fondamentaux des femmes dans tous les domaines.

Aujourd'hui, nous vivons aussi dans un monde aux initiatives innombrables issues du mouvement autonome des femmes et qui sont autant de résistances aux inégalités, aux oppressions, aux exclusions. Pensons seulement aux multiples groupes de défense de droits, aux coopératives, aux cuisines collectives, aux centres de femmes, aux maisons d'hébergement, etc. Pensons aussi aux luttes pour l'accès au logement et à la propriété de la terre, pour la syndicalisation, la démocratisation des États, l'amélioration des services sociaux et de santé, l'éducation des enfants et la protection de l'environnement. Les femmes sont toujours des participantes engagées et tenaces dans ces luttes; elles en sont souvent les initiatrices et les leaders.

Dans quel monde voulons-nous vivre ?

À l'échelle planétaire, la Marche des femmes en l'an 2000 veut rompre définitivement avec le capitalisme néolibéral. Il ne s'agit pas simplement d'aménager les règles du jeu en gardant intact ce même système. Il s'agit véritablement de repenser ces règles, d'en créer de nouvelles à partir des expériences et des alternatives proposées par les femmes et les mouvements sociaux aux plans local, national et international.

À l'échelle planétaire, la Marche des femmes en l'an 2000 veut rompre définitivement avec le patriarcat et en finir avec toutes les formes de violence faite aux femmes. Nous condamnons l'inaction, l'inefficacité et le silence des États alors qu'ils sont dans l'obligation de fournir des moyens pour combattre la violence à l'égard des femmes.

Nous réclamons le respect de l'intégrité de notre corps et de notre être. Nous voulons des actions concrètes de la part des États.

Nous voulons entrer dans le prochain millénaire avec la certitude que nous pouvons changer le monde, le pacifier, l'humaniser. Nous marcherons donc de façon pacifique pour remettre l'être humain au cœur de nos préoccupations, pour mondialiser nos solidarités.

Nous marcherons pour que le prochain millénaire inscrive à jamais l'exercice des droits fondamentaux des femmes comme indissociable des droits humains universels, pour que l'ensemble des droits de la personne soient interdépendants, pour que l'égalité, la justice, la paix et la solidarité soient les valeurs dominantes.

Nous marcherons pour manifester que la participation active des femmes à la vie politique, économique, sociale et culturelle est le point de départ d'une libération pour elles-mêmes et pour leurs peuples trop souvent exclus des prises de décisions qui les concernent.

Nous marcherons pour mettre fin aux processus d'homogénéisation des cultures et à la marchandisation des femmes via les médias pour répondre aux besoins du marché.

Nous marcherons pour réaffirmer notre engagement pour la paix et la protection du fonctionnement démocratique des États-nations

Nous marcherons pour mettre en commun de nouvelles options de coopération et de partage orientées vers d'indispensables changements.

Nous marcherons pour mettre fin à toutes les formes de discrimination et de violence contre les femmes.

Nous marcherons pour enfanter un monde basé sur le partage de la richesse collective, matérielle et spirituelle de l'humanité et pour faire en sorte que chacune et chacun ait à la fois de quoi vivre et des raisons de vivre.

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Last modified 2006-03-23 03:07 PM
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