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La Marche mondiale des femmes au Forum global "Financement pour le droit à un développement durable et équitable"

■ ■ ■
Monterrey, Mexique du 14 au 17 mars 2002


Marche mondiale des femmes

Ce texte a été écrit à l'occasion du Forum global des ONG " Financement pour le droit à un développement durable et équitable " qui s'est tenu quelques jours avant la Conférence des Nations Unies sur le financement du développement.

La Marche mondiale des femmes voit le Forum global comme un lieu d'importance pour :

1. lancer des activités d'éducation populaire, de renforcement et de consolidation des alliances entre les ONG et les réseaux qui participent au Forum;

2. dénoncer le monde dans lequel nous vivons, qui est bâti sur un modèle de développement strictement économique et militaire;

3. exercer des pressions sur les participants de la Conférence officielle de façon à influer sur les décisions en matière de politiques économiques de financement;

4. mettre de l'avant des propositions de rechange au modèle actuel de développement à partir d'une perspective féministe, solidaire et écologique, c'est à dire présenter des propositions pour construire le monde dans lequel nous voulons vivre et qui s'articulent autour des revendications de la Marche.


1) Brève présentation de la Marche mondiale des femmes

La Marche mondiale des femmes est une initiative de la Fédération des femmes du Québec qui a vite recueilli l'adhésion de près de 6000 groupes de femmes de 161 pays du monde.

Au cours de l'année 2000, nous avons mené une série d'actions nationales et de mobilisations mondiales qui ont culminé le 17 octobre 2000 avec des grandes marches dans différents pays du monde, dont une marche devant les institutions financières internationales à Washington et une à New York devant les Nations Unies.

Les porte-parole de la Marche ont rencontré le président de la Banque Mondiale, M. Wolfensohn, et le directeur général du FMI, M. Köhler. Lors de ces rencontres, elles ont dénoncé avec force et sans détours les bases capitalistes, néo-libérales et patriarcales de leurs politiques ainsi que les conséquences néfastes des programmes d'ajustement structurel et de la dette extérieure imposés aux pays du Sud et de l'Est, qui sont reliés à l'augmentation effroyable de la pauvreté et de la violence faite aux femmes. Elles leur ont également présenté les revendications de la Marche mondiale des femmes et ont exigé un " changement de cap " du modèle de développement imposé par la mondialisation économique actuelle.

Les représentantes des Coordinations nationales de la Marche ont été reçues par Mme Louise Fréchette, Vice-Secrétaire générale des Nations Unies, qui remplaçait à pied levé le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, retenu au Moyen Orient. Elles ont également rencontré plusieurs autres fonctionnaires de cette organisation.

Les déléguées lui ont officiellement remis les 5 084 546 signatures recueillies aux quatre coins du monde pour exiger que les Nations Unies prennent des mesures concrètes pour " éliminer la pauvreté et assurer un partage équitable de la richesse mondiale entre les riches et les pauvres et entre les femmes et les hommes, et pour éliminer la violence faite aux femmes et assurer l'égalité entre les femmes et les hommes ". Comme lors de rencontres précédentes, les déléguées ont également dénoncé l'augmentation de la pauvreté et de la violence faite aux femmes et présenté les revendications politiques de la Marche mondiale des femmes.

Les 17 revendications mondiales peuvent être consultées sur ce site.

Compte tenu du fait que les gouvernements nationaux, les Nations Unies et les institutions financières internationales ont opposé un silence quasi complet à nos revendications, et devant l'augmentation constante de la pauvreté et de la violence envers les femmes, nous avons décidé, lors de la IIIe Rencontre internationale tenue en octobre 2001 à Montréal, Québec, Canada, de poursuivre la Marche mondiale des femmes.


2) Le modèle de développement actuel est conçu strictement en termes économiques et militaires

Non seulement les textes préparatoires à la conférence internationale sur le financement du développement ne proposent-ils aucune analyse critique du modèle actuel de développement, sinon qu'il semble clair qu'on n'a nullement l'intention de changer les fondements mêmes de ce modèle. Au contraire, la proposition est de continuer dans la même voie. La Conférence internationale des Nations Unies se concentre uniquement sur la dimension monétaire du développement, qui constitue l'axe principal du modèle puisque le développement est conçu en termes strictement économiques (dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001, la composante militaire du modèle de développement s'est accrue de façon alarmante).

Rappelons qu'à l'occasion de la Conférence internationale de Bretton Woods, tenue du 1er au 22 juillet 1944, les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale ont créé les institutions internationales telles que la Banque mondiale, le FMI et le GATT (devenu l'OMC), qui ont joué un rôle décisif à l'échelle internationale en imposant au monde un système financier mondial dont le fondement voulait que le développement économique soit synonyme de paix et de prospérité.

Près de 60 ans plus tard, ce modèle est encore en vigueur, et à l'échelle mondiale il se traduit par les résultats suivants : 80 % de la population possède moins du 20 % de ressources planétaires; 70 % des personnes vivant dans la pauvreté sont des femmes.

On pourrait affirmer, sans craindre de se tromper, que les aspects fondamentaux de ce modèle s'appliquent depuis 500 ans, avec les conséquences catastrophiques bien connues sur les peuples autochtones du monde entier et sur l'équilibre écologique.

À l'occasion de l'Assemblée du Millénaire, tenue du 6 au 8 septembre 2000, les 191 chefs d'État de tous les pays membres ont adopté un texte capital, qui contient, entre autres, les décisions suivantes :

  • Réduire de moitié, d'ici à 2015, la part de la population mondiale (actuellement 22 %) dont le revenu est inférieur à un dollar par jour;
  • Réduire de moitié, à la même date, le nombre de personnes qui n'ont pas accès à de l'eau potable;
  • Réduire les disparités entre filles et garçons en matière d'éducation primaire et garantir que d'ici à 2015 tous les enfants termineront leur scolarité primaire;
  • Réduire de trois-quarts, d'ici à 2015, la mortalité maternelle et des deux-tiers la mortalité des enfants de moins de cinq ans par rapport aux taux actuels ;
  • Réduire, d'ici à 2020, le taux d'infection par le VIH et porter secours aux enfants orphelins à cause du sida ;
  • Enrayer le paludisme ;
  • Améliorer, d'ici à 2020, les conditions de vie des 100 millions de personnes qui vivent dans des taudis pour qu'elles puissent vivre dans la dignité.

    Le cœur lourd, force est de constater aujourd'hui que sans des changements radicaux à la charpente sociale, culturelle, politique et économique mondiale, cette déclaration ne sera que des vœux pieux.

    Des ONG européennes ont fait savoir qu'il sera impossible d'éradiquer la pauvreté chez la moitié des personnes (près de 650 millions de personnes) qui vivent avec moins de $1 par jour d'ici à 2015 car aucune mesure n'a été prise en ce sens. (1)

    La Marche mondiale des femmes dénonce le modèle de développement qui a actuellement cours et qui est fondé sur un système de domination économique unique imposé à la grandeur de la planète : le capitalisme néo-libéral.

    Elle dénonce aussi la perpétuation d'un système de domination des femmes au niveau social, culturel et politique : le patriarcat, en vigueur depuis des millénaires, qui conditionne et façonne les relations entre les hommes et les femmes, et qui consacre le pouvoir masculin et engendre violence et exclusion. (2)

    Le néolibéralisme et le patriarcat se nourrissent l'un l'autre et se renforcent mutuellement, même si ce sont deux systèmes qui répondent à une logique et à des règles différentes.


    3) Composantes indispensables d'un développement durable et équitable

    Les femmes de la Marche mondiale marchent et se mobilisent parce qu'elles veulent construire un monde où :

  • l'être humain soit au cœur des préoccupations;
  • les droits fondamentaux des femmes soient considérés indissociables des droits universels de la personne;
  • le modèle de développement économique vise la création de richesse et l'amélioration des conditions matérielles de vie de tous les êtres humains;
  • la sphère sociale comprenne des niveaux convenables d'éducation, de santé, d'emploi, d'alimentation, de logement et de sécurité de la vieillesse, pour tous les êtres humains de la Terre, et rétablisse l'équilibre dans les rapports de force entre les hommes et les femmes en conformité avec la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies de 1948;
  • la sphère politique incorpore, outre le respect des droits fondamentaux de tous les êtres humains indiqués plus haut, une démocratie représentative et participative qui garantit l'égalité entre les femmes et les hommes, le droit à l'autodétermination, notamment des peuples autochtones, et le respect de l'environnement;
  • la sphère culturelle tienne compte de la pluralité culturelle et la reconnaisse comme une valeur fondamentale pour l'identité et la dignité des collectivités;
  • la dimension spirituelle touchant à la symbolique et aux croyances des peuples soit respectée sans être imposée à qui que ce soit.

    4) Un autre type de propositions de financement pour un développement durable et équitable

    Nous savons qu'il n'existe pas de modèle préfabriqué pour refaire le monde, ni un modèle de développement achevé. Des milliers de groupes populaires, notamment de femmes, partout dans le monde, œuvrent à l'élaboration de solutions de rechange viables, dont :

  • un commerce équitable : Qui dit que " l'autre mondialisation " rejette le commerce ? Depuis la nuit des temps, les êtres humains ont échangé biens et services. Toutefois ces formes d'échange peuvent être différentes que celles imposées par les pays du G8 ou par l'OMC. Les femmes veulent faire du commerce selon des règles équitables. Des initiatives en ce sens ont déjà fait leurs preuves, comme le café équitable, et indiquent la voie à suivre. L'initiative de proposer un Plan Marshall de financement pour l'Afrique, qui sera débattue lors du prochain G8 au Canada, peut s'avérer une bonne chose, mais ce plan ne pourra être véritablement positif que si les règles qui régissent le commerce sont radicalement transformées, pour s'assurer que toutes et tous y trouvent leur compte et l'équilibre écologique est respecté. C'est la seule et unique façon de financer le développement des pays du tiers monde.

  • des investissements socialement productifs et respectueux de l'environnement : Nous ne nions pas qu'il faille des capitaux et des investissements pour assurer le développement, mais ils doivent être destinés au développement humain équitable, car nous nous avons une conception différente de la richesse, de la production, de la consommation et du travail. Nous avons une conception solidaire de l'économie.

    Pourquoi ces capitaux et ces investissements sont-ils concentrés dans les mains d'une poignée de personnes ou de sociétés multinationales ? Pourquoi les capitaux peuvent-ils circuler librement ? Pourquoi s'agit-il principalement d'investissements à caractère spéculatif ?

    De nombreux économistes, hommes et femmes, déclarent qu'il est possible de réaliser des investissements productifs et non-spéculatifs, axés sur le développement local, national et régional et sur les besoins des populations, en respectant entièrement les normes de travail de l'OIT et les diverses conventions et protocoles qui protègent les droits de la personne et l'environnement. Les citoyennes et les citoyens pourraient débattre démocratiquement de l'orientation que l'on veut donner à ces investissements et décider, par le fait même, du type de développement dont ils souhaitent se doter, un développement qui respecterait davantage l'environnement.


    5) Mesures urgentes et à court terme que les décideurs politiques et économiques du monde doivent adopter pour financer un développement équitable et s'attaquer aux causes structurelles de la pauvreté et de la violence faite aux femmes.

    Voici quelques mesures urgentes et à court terme qui font partie de la plate-forme de revendications mondiales lancées par la Marche mondiale et pour lesquelles nous sommes prêtes à marcher sans répit :

  • L'annulation de la dette des pays du tiers monde, en tenant compte des principes de responsabilité, de transparence de l'information et d'imputabilité. La dette du tiers monde constitue le nouveau visage du colonialisme. Les pays du Sud ont déjà payé plusieurs fois leurs " dettes " en transférant au Nord plus que ce qu'ils ont reçu. La dette est illégale, illégitime et immorale et tout ce que les pays riches proposent c'est une maigre initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE). Cette initiative ne modifie nullement les règles du jeu du système économique mondial et vise à maintenir les pays appauvris par ce même système et par les crédits conditionnels octroyés par les institutions financières internationales, dans une relation de dépendance et d'appauvrissement sans aucune issue possible.

    Il est primordial d'annuler la dette pour libérer le développement et mettre fin à cette hémorragie de richesse dirigée vers le Nord et, avec l'argent ainsi récupéré, trouver les sources qui permettent de financer un développement durable et équitable.

  • L'application immédiate de mesures pour taxer les transactions financières internationales (en particulier la taxe Tobin). Certes, une telle taxe appliquée isolément ne peut résoudre, une fois pour toutes, le problème de la spéculation financière ni abolir la disparité entre les pays. Elle permettrait toutefois, avec d'autres propositions visant l'imposition du capital et avec lesquelles même les économistes libéraux sont d'accord, de dégager des sources appréciables de financement du développement social, dont les femmes doivent bénéficier en premier lieu car ce sont elles les personnes les plus pauvres du système.

    Cette mesure doit être accompagnée d'autres initiatives destinées à enrayer TOUTE forme de criminalité financière, notamment les abris fiscaux, le secret bancaire, le blanchiment d'argent, etc. ;

  • L'investissement de 0,7 % du produit national brut (PNB) des pays riches dans l'aide aux pays en voie de développement et l'application de la formule 20 %/20 % entre pays donateurs et pays récepteurs de l'aide internationale.

    Ces mesures " d'aide ", décidées depuis longtemps par les pays riches mais qui n'ont jamais été appliquées dans les proportions qu'ils ont eux-mêmes proposées, ne constituent pas non plus la solution à long terme, mais elles peuvent dégager des ressources supplémentaires pour un financement d'urgence et à court terme. Plus qu'une aide, il s'agirait d'une forme de " réparation ".

  • La fin des programmes d'ajustements structurels, des compressions des budgets sociaux et du démantèlement des services publics. Nous exigeons de véritables "changements structurels", tant pour les populations des pays du Sud comme celles du Nord, pour mettre fin à la sinistre spirale de l'endettement et de l'appauvrissement dans lequel vit 80 % des habitants de la planète.

  • Nous exigeons des mesures immédiates pour garantir l'égalité entre les hommes et les femmes et mettre un terme à la violence faite aux femmes. Pour les femmes de la Marche mondiale, toute solution passe par une transformation des structures sociales, économiques et politiques, mais aussi par la modification du rapport de force entre les hommes et les femmes, afin d'opérer un changement des rôles sociaux, tant dans la vie privée et les relations personnelles entre les deux sexes, qu'en matière de responsabilité respective et partagée concernant l'éducation et le soin des enfants, un domaine où, traditionnellement, la responsabilité du foyer retombait sur les épaules de la femme.

    Voilà pourquoi, lors des dernières rencontres internationales, nous avons clairement exigé que tous les accords et les politiques commerciales intègrent la perspective de genre; que le travail non rémunéré de la femme, telles les tâches effectuées au foyer, soit reconnu comme une forme de richesse et comptabilisé dans le PNB; que soit reconnu le rôle fondamental que jouent les femmes sur le plan du développement économique, social et culturel; que des mesures législatives soient adoptées et des programmes nationaux soient mis en œuvre pour éliminer toutes les formes de violence commise envers les femmes et les filles; que des mesures visant à faciliter l'accès en priorité à l'éducation, aux services de garde, à la formation technique, au crédit et à la terre soient également adoptées; et que des mesures soient mises en place pour garantir l'accès des femmes et des groupes de femmes aux structures du pouvoir politique et économique.

    Dans chacun de ces domaines, il existe de nombreux exemples d'initiatives viables qui ont été couronnées de succès. Il ne manque que la volonté politique pour les mettre en œuvre de façon systématique.

  • à plus long terme, la Marche mondiale se bat pour l'établissement "d'une organisation politique mondiale non monolithique, qui aurait autorité sur l'économie et qui assurerait la représentativité égalitaire et démocratique entre tous les pays de la Terre ainsi que la représentativité paritaire entre les femmes et les hommes." (3)

    Nous pensons qu'il est essentiel de rattacher et de subordonner les institutions financières internationales et l'Organisation mondiale de commerce à une Organisation des Nations Unies transformée en profondeur. Il faut que ces institutions économiques et financières internationales soient soumises au contrôle politique d'un système des Nations Unies réformé pour faire en sorte qu'elles respectent les droits humains fondamentaux, qui priment sur les intérêts financiers et commerciaux dans la hiérarchie des normes internationales. (4)

    Nous poursuivrons notre lutte pour que la voix et le pouvoir des femmes, qui ont été trop longtemps soumises au silence, soient entendus et qu'elles soient présentes de façon paritaire dans toutes les instances internationales où se prennent les décisions.


    6) En guise de conclusion

    Nous estimons que le Forum global nous offre une occasion unique de continuer à jeter des ponts entre les peuples du monde, de nous alimenter les uns les autres du pluralisme de nos cultures différentes, d'aller de l'avant et de mettre en œuvre des stratégies, différentes mais complémentaires, pour exercer des pressions, assurer notre mobilisation, poursuivre le travail d'éducation populaire et faire du lobbying, de nous renforcer mutuellement dans l'exercice d'une démocratie représentative et participative, et de faire l'expérience de l'égalité entre les hommes et les femmes.

    Nous souhaitons tout cela pour tous les habitants de la Terre, car, oui, nous avons droit à un développement humain équitable !


    (1) Imposible erradicar la pobreza en 2015: ONG europeas. 31 janvier 2002, www.cimacnoticias.com

    (2) Cahier de revendications mondiales de la MMF, juillet 1999, p.9.

    (3) Texte de la revendication N° 5 de la Marche, " Éliminer la pauvreté " .

    (4) Voir, sur le site du Forum Social Mondial de Porto Alegre II, les différentes alternatives proposées, 

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    Last modified 2006-04-06 08:11 PM
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